dimanche 21 août 2016

Chevènement pour sortir de la guerre ?


Message de chantage, l'attentat est toujours un appel à transiger. Non pas avec les terroristes qui sont des marionnettes sacrifiées, mais avec leur commanditaire revendicateur.
Le 14 juillet, quelques heures après que le Président de la République eut annoncé « l'état d'urgence ne sera pas prolongé », un boulet de camion fauchait des vies par dizaines sur la Baie des Anges : échec des pourparlers  en coulisses, rupture de la trêve ? Revenant sur sa décision le François Hollande déclarait dans la nuit : « Nous continuerons à frapper dans leur repère ceux qui, justement, nous attaquent sur notre propre sol, ».
Douze jours plus tard, un prêtre était égorgé : la médiation de l'Eglise à la mode Sant'Egidio est-elle récusée ?
Le décryptage de l'information permet toute les interprétations car la France est empêtrée dans plusieurs guerres.

Guerre contre un homme
Quatre ans après l'injonction française : « il faut éliminer Bachar ! » le Président Syrien son armée et son peuple (alliés aux Russes et aux Iraniens) résistent non seulement aux rebelles démocrates soutenus par les occidentaux mais aussi à Al Nostra/ Fath al Sham, filiale d'Al Qaïda puissamment armée par l'Arabie et le Qatar. Ces jihadistes « font du bon boulot et donc il est difficile de les désavouer » dixit Laurent Fabius. Pourtant, ce soutien peu glorieux est imparfaitement assumé car au lieu de laisser se constituer des  brigades internationales façon guerre d'Espagne, le gouvernement emprisonne les jeunes volontaires qui veulent aller faire du bon boulot ! Les ennemis de nos ennemis ne sont pas tout à fait nos amis.
Autre paradoxe : l'internalisation de la guerre civile de Syrie a pour origine la noble indignation de notre allié inconditionnel, la monarchie saoudienne qui prétendait hypocritement voler au secours du printemps des démocrates arabes. Alors que rien ne nous y obligeait, sous l’influence de quelques télé-jihadologues de Sciences Po, nous avons entre Damas et Riyad, choisi le parti du plus riche espérant sans doute quelques retours sur investissements. À la table diplomatique internationale, nul autre pays européen n'est tombé dans le piège tendu par les faucons d'Arabie, d'Israël et des Etats-Unis.

Guerre contre l'État Islamique du Levant
L'ennemi a un nom d'État et tous ses attributs : un territoire (conquis en Irak et en Syrie) deux capitales (Mossoul 1,5 millions d'habitants et Raqqah, 220 000), un chef (Abu Bakr al Baghdadi) une organisation administrative et militaire, un drapeau...et surtout une population meurtrie qui tente de survivre.
À la tête d'une coalition de 22 pays, les Etats Unis, ont déployé 10 000 hommes et des forces aéronavales considérables pour aider l'armée irakienne à récupérer le territoire confisqué par le Calife. Depuis deux ans, 14 300 attaques aériennes auraient été lancées sans toutefois parvenir à vaincre les quelque 20 000 (selon la CIA) combattants fanatiques.
La France est la seconde puissance de feu du dispositif international. Elle maintient sur zone notamment un porte avion, un sous marin, deux frégates, des forces spéciales et surtout trois douzaines de Rafale et Mirage qui prennent une part active aux opérations. Les vingt autres armées occidentales et arabes se contentent de faire de la figuration ou de fournir un appui logistique à distance.
Le Canada, le Royaume Uni, l'Australie, la Belgique, la Hollande, le Danemark... ont chacun dépêché une escadrille de 6 ou 8 appareils qui enchaînent discrètement les exercices d'entrainement.
L'Arabie Saoudite qui possède 660 bombardiers, a brièvement aligné 12 chasseurs à la parade ; ils ont très vite été démobilisés pour aller renforcer le front du Yémen (6 000 morts 33 000 blessés en 28 mois) où sinistre ironie, quatre des six hôpitaux de l'ONG française Médecins Sans Frontières ont été bombardés !
Le Qatar de son coté, fait voler de temps en temps 2 avions et le Maroc a jeté l'éponge... bref, la totalité des forces opérationnelles arabes engagées est très inférieure à la mobilisation française.

La fausse route
Pourquoi la France s'est-elle laissé entrainer dans cette guerre civile entre les Irakiens du nord sunnites et ceux du sud chiites ? Quels étaient les dividendes escomptés de cette posture de premier supplétif des forces armées américaines embourbées dans cette région depuis 16 ans ? La politique arabe de la France s'était pourtant tenue intelligemment à l'écart. « Un usage de la force en Irak serait si lourd de conséquence...qu'il ne saurait être envisagé qu'en dernière extrémité » (de Villepin) : ultime discours de la diplomatie gaullienne à la tribune de l'ONU en 2003 dont Sarkozy puis Hollande ont négligé le prémonitoire avertissement.
Aujourd'hui, la France rappelle ses réservistes et constitue une garde nationale. La mobilisation générale est-elle pour demain ? Un ancien ministre de l'intérieur délire et réclame une législation sur le burkini, un autre ancien de la défense s'égare et exige: « des mesures comme la société israélienne a su en prendre pour assurer sa sécurité ».

Le théâtre des opérations s'est déplacé sur le sol français. La menace d'une guerre civile est réelle. Les Français de 2016 ne sont pas plus raisonnables que les Yougoslaves en 1992, nombre d'entre eux ne sont pas moins sanguinaires que les auteurs du siège de Sarajevo et du génocide de Srebrenica ! Sauf à imaginer la victoire par l'impossible élimination de l'ennemi, cette guerre contre l'État Islamique appelle l'urgence d'une négociation avant qu'elle ne dégénère entre Français, car la thèse des loups solitaires a été supplantée par celle des chiens dressés pour tuer. Ils sont des centaines d'apostats criminogènes en attente d'un signe de leur maître pour attaquer. Les services de sécurité sont débordés, les sources de renseignements habituellement sous-traitées aux agents des pays des « communautés d'origine » Algérie, Maroc, Turquie...sont en panne pour raisons diplomatiques. La cinquième colonne de cinq à sept millions de musulmans est une psychose qui grignote les esprits de tous.

L'islam de France en otage
Les musulmans natifs de France le sont par le hasard de leurs origines familiales immigrées. Il y a des dévots, des pratiquants d'occasion, des indifférents comme dans toutes les religions.
Tous naissent musulmans parce qu'on a murmuré la chahada à leur oreille et qu'on les a prénommés Mohamed ou Aïcha.
Tous meurent musulmans, lavés avant d'être enterrés dans un carré à part du cimetière communal... comme les juifs et les petits enfants.
Entre ces parenthèses, rien ne devrait les distinguer des autres citoyens français. Ils n'ont ni clergé, ni guide (sauf les chiites ultra minoritaires), leur relation avec Allah est sans intermédiaire. Pourtant, les gouvernements s'acharnent à vouloir les encadrer, tolérant même la résidence de trois cents imams étrangers rémunérés par leur pays d'origine. Car en dépit de toute logique l'Etat veut obstinément un « CRIF musulman » à l'exemple de celui des juifs. Sous la pression politique, le Bureau central des cultes du ministère de l'intérieur a jadis bricolé des instances représentatives fondées sur des critères de fréquentation des mosquées ; ignorant l'avis de ceux qui n'y mettent jamais les pieds. Le gouvernement n'échange qu'avec les pratiquants au grand jour. Les autres, ceux qui prient chez eux, qui jeûnent sans en faire un plat, qui vont à la Mecque sans le clamer sur tous les toits, qui font la charité en silence...ceux qui doutent...ceux qui ne croient pas... tous ces millions de Français prénommés musulmans ne sont jamais pris en compte, pas même statistiquement.

Certes, il manque un porte-voix, un modèle de vertu et de sagesse pour faire oublier aux musulmans de France ces terroristes dévoyés qui se réclament de leur religion. Le dernier gouvernement a pris soin de nommer Najat et Myriam qui sont sur ce sujet totalement inaudibles. Elles contrastent avec la judéité affirmée de leurs collègues, surtout lorsqu'ils se rendent (fréquemment) en Israël. On attend le jour où un ministre ira sans complexe à Riyad expliquer que les musulmans de France revendiquent haut et clair la séparation du spirituel et du temporel selon les principes fondateurs de la république. On attend aussi le moment où la France - dont le nombre de musulmans dépasse largement celui des Émirats du Golfe -, réclamera un siège à l'Organisation de la Coopération Islamique (dont l'une des trois langues officielles est le français) qui regroupe une soixantaine de pays à population musulmane. On attend enfin une prise de distance diplomatique avec le Royaume Saoudien des ténèbres qui continue de propager à coup de milliards une idéologie monstrueuse dont l'Etat Islamique est le clone. 


Les va-t-en-paix sont rares. Chevènement est de ceux là. Son parcours l'impose comme l'un des recours. Il n'est pas musulman et puis après ? Il est irréprochablement républicain, il a été exemplaire dans toutes les circonstances de l'Histoire. Il n'est fâché avec personne, il est bien entouré, il écoute, il est écouté, il dit ce qu'il pense et fait ce qu'il dit. On lui a proposé de gérer l'islam de France. C'est inespéré. Qu'il en profite aussi pour aller nous rabibocher avec les capitales de l'Est et de l'Orient. Car comme disait Alexandre Vialatte avec son bon sens auvergnat: « c'est ainsi qu'Allah est grand ».

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