mardi 11 octobre 2016

Cafouillage dans les ambassades de France en Arabie Saoudite et en Tunisie

À Riyad en Arabie, chaque lundi soir, un petit groupe de Français se retrouve au « ciné-club ». C'est un local improvisé dans une villa car il n'y a pas de salle de cinema publique au pays des salafistes. À l’affiche de cette semaine « Made in France ». C'est l’histoire  d’un journaliste musulman qui infiltre les milieux intégristes de la banlieue parisienne… Pas vraiment de quoi distraire les expatriés cinéphiles de leur train-train quotidien. Mais depuis quelques mois, ils ont pris l'habitude de se rassembler après la projection autour d'un chawarma pour commenter non pas le film, mais les derniers épisodes d'un conflit social qui agite et gangrène le moral de la petite communauté française en Arabie Saoudite.

Les impayés de Hariri
L'affaire a commencé il y a un plus d'un an par la lente déconfiture de Saudi Oger, un géant du bâtiment et des travaux publics dont les 38 000 salariés ont d'abord été payés partiellement, puis avec retard, enfin plus du tout. Parmi eux environ 250 Français : des techniciens et des ingénieurs installés avec leurs familles. Au début, ils ne se sont pas vraiment inquiétés. La direction du groupe les assurait qu'ils seraient généreusement dédommagés de leur patience. Ils l'on cru car l'entreprise Saudi Oger appartient aux Hariri ; une famille de milliardaires saoudiens d'origine libanaise, grands amis de la France et de ses dirigeants. Na-t-elle pas hébergé gracieusement Jacques Chirac et sa famille pendant six ans dans un somptueux appartement sur les berges de Seine à Paris ? Enfin et surtout, le consulat et l'ambassade de France faisaient savoir qu'ils s'occupaient de la détresse de leurs ouailles mais que la discrétion était de mise car « il faut pas indisposer les saoudiens par des actions intempestives ». Au fil des mois, la situation quotidienne des deux cents familles se complique : les banques ne leur accordent plus de découverts, les écoles ne font plus crédit, les téléphones sont coupés...Elles deviennent prisonnières d'un système kafkaïen car pour changer d'employeur ou quitter le pays, il faut produire des quitus que l'entreprise et l'administration refusent de leur délivrer. Désespérés, certains pensent même faire appel aux tribunaux car la charia impose « de payer ses employés avant même que ne sèche la sueur sur leur front » Mais en Arabie, la jurisprudence est incertaine. Mieux vaut s'éloigner des prétoires et des cachots. Les condamnés à chômer protestent et manifestent sans faire de bruit. Ils lancent des appels de détresse silencieux. Le consulat et l'ambassade relaient les messages de Saudi Oger : patience, boukra inchallah ! Pourtant, les cadres d'autres nationalités européennes et américaines victimes du même problème sont pris en charge par leur chancellerie. Les ressortissants français ont l'impression d'être des otages injustement oubliés de la France car même l'Inde et les Philippines s'agitent avec succès pour aider leurs milliers d'ouvriers à quitter l'Arabie. Lorsque l'épouse d'un ingénieur tente de se suicider, l'émotion et l'indignation gagnent l'ensemble de la communauté des 6 000 expatriés. La patience a des limites. La bronca cible l'ambassadeur de France Bertrand Besancenot.

Rétro-ambassadeur
Nommé il y a neuf ans après avoir été le conseiller de Michèle Alliot-Marie au ministère de la Défense, ce diplomate infatué de ses médiocres talents semble atteint du syndrome de Stockholm tant il met du zèle à défendre les intérêts saoudiens jusqu'à les confondre avec les siens. Pour prix d'un alignement de la diplomatie française sur celle des Saoud, il fait miroiter à Paris des milliards de contrats qui ne seront jamais  signés. 
Sur les réseaux sociaux, le collectif des expatriés grugés fait le buzz, la presse est alertée. En février, Le Parisien titre « En Arabie Saoudite on a du pétrole mais pas de salaires ! ». Mais que vaut la détresse de cadres bien payés face aux milliers de smicards métropolitains licenciés ! Finalement, l'incurie de l'ambassadeur est étalée. À l'approche des élections le scandale menace de faire basculer les opinions. Il devient également urgent de trouver un responsable aux milliards de promesses saoudiennes envolées. Des parlementaires chuchotent bien haut. Ses amis d'hier abandonnent Besancenot qu'il croyait soutenu par les altesses.
En visite à Paris en juin dernier, le jeune vice-prince héritier Ben Salman ne montre pas plus de sympathie pour l'ambassadeur de France que pour le PDG d'ODAS, l'agence gouvernementale de l'armement en Arabie. Mais si l'amiral est épargné, l'ambassadeur est sacqué. À l'issue d'un conseil des ministres où ne siège plus Laurent Fabius, Bertrand Besancenot est muté aux archives de Nantes alors qu'il convoitait le Vatican. Pour autant, il n'a toujours pas fait ses valises et fait une interminable tournée d'adieux, espérant peut-être à quelques mois de la retraite, des promesses d'emplois juteux qui seront payés rubis sur l'ongle.
Aux dernières nouvelles, les 250 familles impayées ont commencé à recevoir leur dû. 
Al hamdou lillah !

Le second Résident de France en Tunisie
À la Marsa en Tunisie, sur l'esplanade de la corniche reverdie par les orages d'automne, les attablées aux terrasses des cafés devisent ironiquement sur le changement de locataire de la somptueuse résidence de France. L'ambassadeur nouveau est carrément qualifié de malotru, de parvenu, d'erreur de casting... » les mots sont durs tant la désillusion est immense. 
Après la révolution, ils avaient chassé Boris Boillon, un Sarkozy-boy sans éducation: https://hybel.blogspot.fr/2011/02/le-nouveau-resident-de-france-en.html 
Alors très vite, Paris avait fait acte de contrition en nommant François Gouyette, un diplomate de carrière : « du miel ! Il a sillonné toute la Tunisie...courtois, modeste, toujours un mot aimable à la bouchedans un arabe parfait...c'est bien simple, au 14 juillet pour ses adieux, il y avait plus de monde à la résidence de France qu'au stade de foot !..." Les regrets sont unanimes et la compassion sincère car meskin, l'infortuné diplomate a été nommé en Arabie Saoudite, chez les obscurantistes. On plaint son épouse Halima, contrainte de porter l'abaya noire quand elle voudra sortir de la résidence en béton du quartier réservé aux diplomates. Le couple ira t-il faire le pèlerinage à la Mecque comme leurs homologues britanniques Simon et Huda Colis ? Pas simple.

Le stagiaire du Quai d'Orsay à la Kasbah
Le successeur du bien aimé François Gouyette est le déjà détesté Olivier Poivre d'Arvor. Il est arrivé par bateau. Tout comme le Résident Général de Hauteclocque qui conduisit la sanglante répression contre le mouvement nationaliste en 1952. Quel symbole ! Pire, dans une déclaration à RTL, l'ancien PDG de Radio France Culture a tenu des propos diplomatiquement insensés « Ma mission principale est d’assurer la sécurité des Français qui se trouvent en Tunisie... Il faut pouvoir les protéger, notamment dans les pays comme la Tunisie dont on sait qu’ils sont fournisseurs de jihadistes » 
Un comble pour les Tunisiens qui se souviennent que les députés Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi sont tombés sous les balles d'un jihadiste français natif de Paris, toujours en fuite,  et que les attentats de Charlie, Bataclan et Nice ont également fait des victimes tunisiennes. 
Par ses propos, l'ambassadeur Poivre d'Arvor qui est aussi accrédité en Libye, s'est d'emblée totalement discrédité. 
Fort heureusement les Tunisiens sont de bonne composition car on imagine le scandale qu'auraient provoquées semblables désinvoltures au Maroc ou en Algérie ! Le Président tunisien Caïd Essebsi est un beldi de noble éducation qui a fait ses classes comme ministre des affaires étrangères il y a un demi siècle. Il ne va pas tarder à inculquer les bonnes manières au jeune parachuté. D'ailleurs, trois mois après son arrivée, il n'a toujours pas pris le temps de recevoir ce stagiaire du Quai d'Orsay à la Kasbah !

Décidément le cafouillage de la diplomatie arabe de la France est une irréductible constante. 

Aucun commentaire: