Le
ténèbres ont eu raison de l'homme des lumières ; il s'est
éteint la semaine dernière.
Il
était tout en douceur, tout en rondeur. S'était-il de sa vie jamais
mis en colère ? La voix était douce, presque monocorde, ses
yeux pétillants buvaient les paroles des incultes et des érudits
avec la même empathie. Il avait la foi. Sa religion était celle de
l'abandon, de la confiance, de la paix: Islam.
Né
au milieu du siècle dans l'est algérien, l'infatigable dévoreur de
savoir monte à Paris à l'âge de 27 ans où il enchaîne les
doctorats. Pas moins de trois : psychanalyse, anthropologie,
sciences politiques. Pour autant, l'université française n'en fera
pas un mandarin. Ses livres se vendent bien car les éditeurs ont
flairé le bon client. Malek accepte tous les plans communication :
« Islam pour les Nuls » « Dictionnaire amoureux de
l'Islam » l'érotisme, le kama soutra, Shéhérazade, sexe,
homosexualité, désir... l'Islam à toutes les sauces !
Pourquoi pas ? L'intellectuel sait que pour faire passer son
message, pour gagner le grand public, il faut accéder aux têtes de
gondoles dans les librairies d'Auchan et de la FNAC. Avant tout le
monde, il avait compris que la fracture qui s'annonçait appelait
d'urgence la conversion des Français
à la perception de l'Islam de la paix et que les musulmans
se retrouvent dans une pensée d'incommensurable tolérance.
Professer « l'Islam des Lumières », c'est éclairer les
ignorants. Alors, il dédicaçait à tour de bras dans les librairies
de province, il colloquait inlassablement avec des pasteurs, des
rabbins, des abbés, des mécréants et des libres penseurs. Pour les
musulmans de France, mais pas seulement, il était la présence
rassurante à portée d'étagère, la sagesse de l'ancien qui calmait
la fougue de l'ignorance sur les écrans de télévision.
Musulman,
arabe, algérien authentiquement ; acceptant l'honneur de la
plus haute décoration française, il refusa la nationalité que lui
proposèrent deux Présidents de la République. Il a été inhumé à
Skikda parmi les siens. Simultanément, à Puteaux en banlieue
parisienne, ses voisins, ses amis, des personnalités mêlées aux
anonymes, étaient venus par centaines dans la grande salle de la
mairie pour lui rendre un dernier hommage. Sous les portraits géants
du savant souriant, devant un pupitre sonorisé, les représentants
de la France plurielle sont venus dire combien Malek Chebel était
grand.
Il
était musulman. Allah yarhamouhou.
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