jeudi 17 novembre 2016

Malek Chebel le musulman


Le ténèbres ont eu raison de l'homme des lumières ; il s'est éteint la semaine dernière.
Il était tout en douceur, tout en rondeur. S'était-il de sa vie jamais mis en colère ? La voix était douce, presque monocorde, ses yeux pétillants buvaient les paroles des incultes et des érudits avec la même empathie. Il avait la foi. Sa religion était celle de l'abandon, de la confiance, de la paix: Islam.

Né au milieu du siècle dans l'est algérien, l'infatigable dévoreur de savoir monte à Paris à l'âge de 27 ans où il enchaîne les doctorats. Pas moins de trois : psychanalyse, anthropologie, sciences politiques. Pour autant, l'université française n'en fera pas un mandarin. Ses livres se vendent bien car les éditeurs ont flairé le bon client. Malek accepte tous les plans communication : « Islam pour les Nuls » « Dictionnaire amoureux de l'Islam » l'érotisme, le kama soutra, Shéhérazade, sexe, homosexualité, désir... l'Islam à toutes les sauces ! Pourquoi pas ? L'intellectuel sait que pour faire passer son message, pour gagner le grand public, il faut accéder aux têtes de gondoles dans les librairies d'Auchan et de la FNAC. Avant tout le monde, il avait compris que la fracture qui s'annonçait appelait d'urgence la conversion des Français à la perception de l'Islam de la paix et que les musulmans se retrouvent dans une pensée d'incommensurable tolérance. Professer « l'Islam des Lumières », c'est éclairer les ignorants. Alors, il dédicaçait à tour de bras dans les librairies de province, il colloquait inlassablement avec des pasteurs, des rabbins, des abbés, des mécréants et des libres penseurs. Pour les musulmans de France, mais pas seulement, il était la présence rassurante à portée d'étagère, la sagesse de l'ancien qui calmait la fougue de l'ignorance sur les écrans de télévision.

Musulman, arabe, algérien authentiquement ; acceptant l'honneur de la plus haute décoration française, il refusa la nationalité que lui proposèrent deux Présidents de la République. Il a été inhumé à Skikda parmi les siens. Simultanément, à Puteaux en banlieue parisienne, ses voisins, ses amis, des personnalités mêlées aux anonymes, étaient venus par centaines dans la grande salle de la mairie pour lui rendre un dernier hommage. Sous les portraits géants du savant souriant, devant un pupitre sonorisé, les représentants de la France plurielle sont venus dire combien Malek Chebel était grand.

Il était musulman. Allah yarhamouhou.

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