Le
roi Salman vient de permettre aux femmes de conduire. Cette décision
mondialement saluée est le résultat des luttes que mènent depuis
des années les femmes courageuses d'Arabie.
Manal
Al Sharif, l'une d'entre elles, est une jeune femme super diplômée
qui travaillait à l’Aramco la compagnie arabo-américaine des
pétroles. Un beau jour du mois de mai 2011, cette respectable
veuve est sortie de chez elle au volant de sa voiture. Et sa vie a
basculé. Arrêtée par la police elle est sermonnée avant
d’être raccompagnée à son domicile. Quelques heures plus tard,
elle est à nouveau interpellée et jetée en prison sur l'accusation
d'avoir gravement troublé l’ordre public. Avant de la juger,
les autorités exigent qu’elle fasse publiquement acte de
contrition et de repentir sur Facebook où elle compte des mille et
des milliers d’amies. La délinquante s’obstine, aggravant son
cas de jour en jour. Les prédicateurs montent en épingle le
fait divers. Leurs prêches enflamment les mosquées. Des gardes de
la foi accusent Manal Al Sharif d’être une Matahari des chiites
iraniens, d’autres prétendent qu’elle est au service des singes
sionistes ou des incroyants. De toute évidence, Satan n’est
pas loin, le procès en sorcellerie est à craindre.
La
presse traite l’Affaire à la une. La population est divisée, il y
a les pro et les anti-Manal. Le roi hésite à se prononcer car la
guerre civile menace la dynastie. Même les Américains et les
Européens, habituellement empressés à voler au secours de la veuve
opprimée, regardent leurs chaussures en se grattant l’oreille car
l'Arabie Saoudite est le premier exportateur de pétrole et le
premier importateur d’armes, ce qui mérite réflexion. Que la
Jeanne d’Arc saoudienne se débrouille ! D’ailleurs, on a
promis aux riches bédouins de ne jamais se mêler de leurs affaires.
On ne va pas commencer à propos d'une bédouine !
Ils
avaient tort, car ce fait divers était le premier battement d'ailes
du papillon.
Sur
le net, la criminelle « présumée innocente » qui a filmé son
arrestation appelle toutes ses consoeurs du pays de l’or noir, à
prendre le volant. Aucune loi ne l'interdit, on s'en aperçoit, mais
c’est comme ça. Manal a bravé la non-loi au nom de laquelle Ubu
l’a mis en prison. Son acte était révolutionnaire car il
mettait en péril le socle (en arabe al quaïda) de l’idéologie
intégriste wahhabite. Pour les salafistes, la seule et unique
fonction de la femme est la reproduction. Point. Elle est soumise.
Elle est objet. Jamais elle ne conduit, toujours elle suit. Dans la
rue, elle marche derrière, en voiture elle ne saurait être devant.
Elle doit dire oui, elle doit se taire et retenir ses non. A-t-elle
une âme ? Un cœur ? Une raison ? Là n’est pas le sujet. Elle est
mère, fille, sœur, épouse de l’homme son maître. Khalas. On ne
la regarde pas, on ne lui dit pas madame car la muette ne répond
pas. Au visiteur qui frappe à la porte, elle claque dans ses mains
pour demander « qui est là ? et signifier de passer son chemin car
son homme n’y est pas ».
Elle
n'a pas d’identité, pas de papiers, pas de photo dévoilée.
Alors, un permis de conduire ! Vous n’y pensez pas ! Céder serait
ouvrir la voie à toutes les extravagances ! Demain, au prétexte de
canicule elle refusera de porter des gants noirs, puis, elle voudra
montrer sa face, sa crinière, ses mamelles et son croupion…Quelle
décadence ! Allah soit loué ne le permettra pas. Pourtant Manal est
une Al Sharif, une descendante du prophète ! Sa révolte était-elle
inspirée ?
Toujours
est-il que ce 28 septembre 2017, après six années de résistance,
le pouvoir a cédé. Saluons les femmes d'Arabie.
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