Le
père a trépassé. Toute la famille tunisienne est rassemblée. Devant la mort, les querelles et les animosités s'effacent.
Même les plus farouches rivaux d'hier s'inclinent. C'est dans le
deuil que se mesure l'humanité des vivants. Derrière le cercueil on
compte les défections. Le négligeant sera à jamais méprisé.
Si
Mohamed Béji Caïed Essebsi, Président vénéré de la nation est
mort le jour anniversaire de la fondation de la République. Ce
n'était pas un hasard, seulement l'ultime élégance d'un homme bien
élevé respectueux des convenances républicaines. Les intégristes
impénitents auront noté qu'Allah ne lui a pas permis d'expirer un
saint vendredi et qu'il n'a pas été enterré dans les délais
prescrits. Qu'importe,
pour avoir de son vivant abondamment cité le coran à bon escient,
l'homme était en règle avec sa conscience. Il était au sens propre
du terme, un séculier, un homme de son époque que le grand âge
n'avait pas enfermé dans le conservatisme et l'aigreur des bigots.
Il a éclairé le peuple et défendu la cause des femmes ;
l'Histoire dira la part de lumière qui lui revient de l'héritage de
Bourguiba.
Si
Béji devait son charisme à son sourire toujours bienveillant et à
sa bonne humeur permanente. L'homme n'était jamais maussade, il
donnait l'impression d'aimer pareillement les bonnes et les mauvaises
surprises de la vie. Ce comportement fataliste qui est une règle de
bienséance dans l'aristocratie tunisoise s'était bonifiée avec
l'âge. Ses mimiques, sa gestuelle, son vocabulaire, absolument tout
chez lui était authentiquement tunisien. Aucun homme politique - pas
même Bourguiba - n'a jamais partagé cette intime complicité avec
son peuple. Son comportement trahissait avec fierté son identité,
sa nationalité, sa tunisianité. Pour le comprendre, il faut aller
le surprendre – dans une séquence filmée après une interview au
studio de Shems FM – fredonner l'hymne à la vie de la célèbre et
regrettée diva Oulaya dont il proclamait que « jamais
elle ne mourra ».
Dans les pensées de chaque Tunisien, Béji aussi vivra
éternellement.
Les
Tunisiens ont suivi à la loupe les détails des funérailles
nationales à l'organisation impécable. Ils ont compté les amis
présents et jugé la sincérité de leur comportement. À
l'exception notable de l'Italien, aucun chef d'État ou de
gouvernement du voisinage ne manquait à l'appel. L'Algérien, le
Libyen, le Maltais, l'Espagnol, le Français et même le plus
lointain Portugais. Du Proche Orient ne s'étaient déplacé que le
Président Palestinien et l'Émir du Qatar. Bien entendu, ces
présences à haut niveau ou a minima ont une signification
éminemment diplomatique. Pour les Tunisiens, elles dessinent le
cercle de leurs amis au nombre desquels il faut ajouter tous les pays
qui ont décrété un deuil national et mis leur drapeau en berne
comme la Jordanie, l'Égypte, le Liban, la Mauritanie et même Cuba.
Les
discours d'hommages prononcés par les chefs d'États avaient valeur
d'engagement envers une Tunisie en situation d'incertitude politique
et de détresse économique. De ce point de vue le message du
Président Algérien Ben Salah qui assure l'intérim d'une transition
délicate et celui du Président Libyen Sarraj qui affronte une
guerre civile auront été malgré ces circonstances, très
réconfortants. Celui de Felipe VI s'exprimant en français fut sans
surprise celui d'un grand d'Espagne. Celui d'Emmanuel Macron fut en
tous points exemplaire. Dans une courte improvisation il a rendu
hommage à l'homme, son pays, sa famille et complétant la parole par
le geste, il a embrassé comme du bon pain sa veuve. À la mode
tunisienne.
Il
connait nos usages, ils est des nôtres
ont pensé tous les Tunisiens en le voyant sur les écrans de
télévision.
https://www.facebook.com/ShemsFm.PageOfficielle/videos/1123270561196265
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