Dans
la mémoire collective des musulmans il y a le souvenir
d'innombrables massacres imprescriptibles : Kafr Qasim, Lydda,
Sabra, Chatila, Jenine, sans compter ceux de l'enclave carcérale de Gaza... Il y a aussi l'intifada, révolte impuissante ancrée dans le prolongement de
l'histoire de la colonisation, et l'humiliation permanente entretenue au
quotidien par les violences de l'occupation israélienne qui annexe
et réprime méthodiquement. Pour étouffer toute résistance et fort
du soutien sans condition de Donald Trump, le gouvernement de l'État
hébreu a poussé les arabes vers un processus de collaboration
complice. C'est ainsi qu'ignorant la colère de leur peuple, les
potentats vassaux des républicains évangélistes de Washington :
Arabie, Émirats Arabes Unis, Egypte, Jordanie, Bahrein, ont pactisé
avec Israel. La Tunisie, « laboratoire de la démocratie
arabe » est soumise à la pression de cette doctrine.
Résistance
courageuse
Le deal du siècle Trump-Netanyaou est pour le Président Kaïs Saîed "l'injustice du siècle et une haute trahison". C'est un ultimatum de
reddition, un permis d'annexion sans condition qui a soulevé
l'indignation modérée des autres dirigeants arabes car elle promet l'or à
ceux qui feront semblant d'être sourds, aveugles et muets. La
Tunisie, unique membre arabe du conseil de sécurité de l'ONU (élu
pour deux ans) avait l'intention de déposer une résolution de
condamnation. Mais l'encre du brouillon n'était pas sèche que la
diplomatie américaine la menaçait de ses foudres. La faible Tunisie mettait en péril son statut envié de
démocratie. Isolée, elle fut
contrainte de sacrifier son ambassadeur à l'ONU. Celui-ci fit ses
bagages sur le champ et n'eut pas – maigre consolation - à subir
l'humiliation supplémentaire de se rendre à la convocation du
gendre de Trump pour faire acte d'allégeance aux côtés
de ses collègues arabes. Tel Aviv et Paris qui ne voulaient pas être
en reste de zèle ont saisi le premier prétexte pour sous-traiter à
une personnalité qualifiée la riposte à l'impudence carthaginoise.
« La
Tunisie érige la haine d'Israel en politique d'État »
La
phrase n'est pas de Netanyou mais de son ami Meyer Habib, un proche
de Macron, de Hollande, de Sarkozy.... un des hommes politiques les
plus puissants de France. Il suffit qu'il exige et tous se couchent.
Sa parole est rare, souvent violente, jamais innocente. Lorsqu'il
signe un tweet ou un billet, chaque mot est pesé, mesuré, concerté.
Ses colères sont feintes, ses indignations calculées, ses accolades
de circonstance ; c'est un orfèvre politique de la
communication. Israélien de conviction, Français
de naissance, Tunisien
par filiation. Il évoque sur Facebook avec nostalgie la belle époque
du dictateur Ben Ali : « en
novembre 2005 en tant que vice-président du CRIF dans la délégation
de l’ancien ministre des affaires étrangères israélien Silvan
Shalom, lui-même natif de Gabès, pour le Sommet mondial sur la
société de l'information (SMSI) organisé par l'ONU à Tunis ….Mon
cœur s’est serré quand le vol de Tel-Aviv s’est posé sur
l’aéroport de Djerba.. »
C'est émouvant. Meyer
Habib est député des Français
résidents à l'étranger ( Israel, Italie, Grèce, Vatican,
Malte, Saint Marin, Turquie, Chypre). Il est aussi vice Président de
la Commission des Affaires étrangères de l'Assemblée
Nationale. À ce titre, ses paroles lourdes de sens propagent à
l'étranger la voix de la nation. Depuis quinze jours, il multiplie
les déclarations fielleuses: « La
Tunisie érige la haine d’Israël en politique d’Etat, boycotte
un sportif franco-israélien....la Tunisie s’enfonce dans la haine
obsessionnelle et suit les traces de l’Iran...»
De quoi s'agit-il ?
Appel
au boycott de la Tunisie
Les Tunisiens
n'ont pas la haine d'Israel mais du mépris pour son gouvernement
d'extrême droite voleur de terre. Ils ont l'amour de la Palestine.
Ils ne supportent pas
l'idée que le drapeau blanc et bleu puisse flotter sur leur vert
pays. C'est leur droit. Alors, lorsqu'un sportif est venu à Tunis
avec un passeport français
dans le but de hisser les couleurs d'Israel, ils ont refusé de
jouer. Et leur Président a approuvé. À la diatribe de Meyer Habib qui
dénonce un « acte
de discrimination haineuse, gratuit et contraire aux valeurs
sportives....allez-vous
continuer à vous y rendre (en Tunisie) et cautionner ? »
un député tunisien, Hussein Janayah a sobrement réagi en appelant son confrère
français au discernement et René Trabelsi le ministre du tourisme
et de l'artisanat d'appeler son coreligionnaire à la raison dans une
réplique bien sentie « moi,
René, je suis le seul ministre juif du monde arabe... »
Loin d'être calmé, M Habib a récidivé dans une longue lettre
largement diffusée « j’assume,
persiste et signe : il faut boycotter les boycotteurs ! » C'est
grotesque et parfaitement injustifié. La
plupart des Tunisiens
ne confondent pas la religion juive avec le régime d'apartheid de
l'État hébreux. L'amalgame antisionisme -judéophobie est une vison
sectaire ignorante de la réalité orientale qui oublie que
l'antisémitisme est une peste primairement européenne.
Crise
diplomatique sérieuse entre Tunis et Paris
À
cette agression diplomatique caractérisée, ni l'Élysée, ni
Matignon, ni le Quai d'Orsay, ni même les présidents de groupe
d'amitié au parlement n'ont réagi. Qui ne dit mot consent. Il
faudra probablement une initiative du Sénat, assemblée de sages,
pour effacer les postillons du député Habib. En attendant, et dans
l'espoir de tempérer une relation bilatérale mal en point,
l'ambassadeur de France à Tunis, Olivier Poivre d'Arvor, s'est fendu
d'une déclaration augurant une saison d'un million d'estivants
français. Et puis, à l'occasion d'un séjour d'observation de
Gilles Kepel en Tunisie au prétexte de la promotion de sa dernière
publication « Sortir du chaos », un pavé de 500 pages
sur « les crises en méditerranée et au moyen- orient » ;
ce proche de Macron a été reçu par le Président Kaïs Saïed à
qui il a offert son livre à la manière dont on remet des lettres de
créances. Paris a sans doute pensé que le truchement d'un
prestigieux universitaire français arabophone faciliterait le
dialogue. Kepel a t-il compris les accents gaulliens de
Saïed que les Tunisiens eux-mêmes ont encore du
mal à saisir ? A t-il mesuré l'ampleur du changement ?
Depuis
son élection, le Président tunisien a remis à plat la politique
étrangère de son pays qui ronronnait dans un alignement passif
confortable. Les liens ont été rompus avec les hommes d'affaires
influents qui avaient leurs entrées à Carthage. La relation avec la
France, qui est au cœur de la diplomatie tunisienne sera d'évidence
chamboulée.
Francophonie en panne
La
Tunisie n'a plus d'ambassadeur en France ni de consul général à
Paris. Tous deux ont été rappelés en décembre dernier. C'est
du jamais vécu dans l'histoire des relations entre les deux pays.
Cette absence prolongée est à mettre au compte de la crise
institutionnelle car le gouvernement Chahed expédie les affaires
courantes depuis octobre 2019 en attendant que son successeur Elyes
Fakhfakh obtienne l'investiture du parlement dans quelques jours.
C'est aussi la conséquence de l'isolement du Président Saïed élu
il y a seulement trois mois et que le cursus n'a pas particulièrement
préparé à la fonction. Choisira t-il pour représenter la Tunis en
France de recaser le premier ministre sortant ? La mission
de rabibochage avec Paris est délicate et urgente dans la
perspective de la célébration du cinquantenaire de la Francophonie.
Cette organisation a été fondée le 20 mars 1970 – jour de la
commémoration de l'indépendance de la Tunisie - par Bourguiba,
Senghor, Diori et Sihanouk. De surcroît, le
sommet de ses chefs d'États doit en principe se tenir à
Tunis à la fin de l'année. Paris est dans l'embarras d'autant
qu'Israel (encore), tente depuis trente ans d'adhérer à cette
organisation. Le courageux Liban a toujours opposé son véto. Il ne
fait pas de doute que la Tunisie rejoindra cette posture.
Le
Président Kaïs Saïed et son gouvernement d'union nationale devront encore jouer serrer pour s'imposer sur la scène
internationale. Entre la Libye au bord de l'implosion et l'Algérie
qui bouge, entre la Turquie qui intrigue et les rois du
Golfe qui veulent acheter ce qui n'est pas à vendre, sans oublier la
Chine qui tend sa main gantée de soie ... la petite Tunisie,
affaiblie par l'apprentissage de la démocratie devra démontrer la
capacité de ses hommes à s'unir pour défendre sa souveraineté
menacée et redresser l'économie du pays.
1 commentaire:
Voila un article qui est un article de résistant qui redonne espoir à de nombreux militants solidaire du peuple palestinien et horrifiés par la politique colonialiste israélienne qui assassine chaque jour son lot ce civils que ce soit à Gaza ou ailleurs.
Nous assistons à une retransposition de l'histoire. Le Fuhrer n'est plus à Berlin, mais à Tel Aviv et le collaborateurs sont nombreux. En France nous avons Meyer Habib comme chantre des miliciens et nous avons un Pétain avec Macron.
L'Histoire sera fera son oeuvre et sera très dure avec eux.
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