Sur l'atlas du monde
post-Coronavirus, la Tunisie est en vert. La COVID-19 n'a fait que 45
victimes, soit moins de 4 décès par million d'habitants. En France
c'est 407 par million d'habitants (Université Johns Hopkins -
Banque Mondiale). Comparaison n'est pas raison, mais, pour ne pas
être allé se mettre à l'abri dans leur pays plus de 400 Tunisiens
seraient morts sur le sol français !
Tunisie
épargnée
La première
explication qui vient à l'esprit est celle du climat qui écarte les
miasmes et les pollutions « l'air est si doux qu'il
empêche de mourir » disait Flaubert. Ensuite on pense à
la religion ; les pratiquants font des ablutions cinq fois par
jour avant d'aller prier et ils répètent la recommandation du
Prophète de s'isoler des épidémies. Il y
a aussi la méticuleuse propreté des logements (qui
contraste avec le laisser-aller sur la voie publique) ; chaque
ménagère lessive le sol chaque jour et aussi les murs à chaque
changement de saison. Peut-être également la nutrition à base d'huile d'olive, de citron et d'épices aux
propriétés mystérieuses. Ou bien la fameuse baraka réservée aux
chanceux avec la « assabiya » d'Ibn Khaldoun qui décrit
le rassemblement familial, la solidarité dans l'autosuffisance
clanique et la protection des anciens par les plus jeunes. Plus
probablement la politique de vaccination contre les maladies
infectieuses et la mémoire des
réflexes qui sauvent héritée des anciens.
Tunisie bien
gouvernée
La vérité sur cette
performance est à chercher dans la cohésion du peuple tunisien qui
s'est retrouvé uni derrière les recommandations de ses
médecins. Les praticiens ne se sont
pas perdu dans des querelles d'égo, les autorités n'ont pas menti.
Le confinement et les mesures barrières ont été prises à
temps et à bon escient. Ni les masques, ni les désinfectants,
ni les respirateurs ni les tests n'ont fait défaut. Le confinement
et les mesures barrières ont été prises sans faiblesse
mais avec humanité par un gouvernement responsable qui n'a pas tenu
compte comme en France de contingences politiciennes : élections
municipales, match de foot, salon de l'agriculture, débat sur les
retraites... À Carthage et à Tunis, le Président Saïed, le
Premier ministre Elyes Fakfakh et son gouvernement nouvellement
désigné ont agi promptement et professionnellement. L'OMS a
salué la performance. Un ministre allemand a publiquement encouragé
ses concitoyens à aller passer leurs prochaines vacances sur les
plages de Djerba ou Hammamet. La Tunisie, Covid safe, est un pays
responsable dont la sécurité sanitaire est désormais prouvée.
« Héros »
tunisiens de France, « héros » français de Tunisie
Le corps médical
tunisien peut être fier. Il a sauvé des milliers de
vies. Il a su aussi se préserver puisqu'on ne déplore aucune
victime à l'exception du Docteur Abdelmejid Ben Aycha décédé du
Coronavirus sur son lieu de travail.... à l'hôpital de Mulhouse !
Car beaucoup de Tunisiens et de
binationaux exercent dans les hôpitaux de France : aides
soignants, infirmières, praticiens, chefs de services... Combien
d'entre eux sont tombé malades ? Combien sont morts ? Le
saura t-on jamais ! Ils sont dans la lignée des « héros »
méconnus de la guerre de 39-45 : du Dr Ahmed Somia et du Dr Ali
El Okbi de l'hôpital franco-musulman de Bobigny (devenu Avicenne)
dont le réseau de résistants des
« Tunisiens » »
dissimula et sauva la vie de dizaines de personnes traquées par la
Gestapo.
En retour, les liens
qui unissent dans un même combat les médecins français aux
médecins tunisien ne datent pas d'hier. C'est de l'histoire ancienne
mais qui mérite d'être racontée pour souligner que la lutte contre
les épidémies est ancrée dans la
mémoire collective de la Tunisie.
Dans la médina, au
cœur du principal hôpital de la
capitale il y a un tombeau devant lequel on peut lire : Hommage
de la ville de Tunis à la mémoire du Docteur Ernest Conseil décédé
le 5 juin 1930 ...n'a cessé de lutter (pendant 25
ans) contre les plus redoutables épidémies.
Au verdoyant quartier
du Belvédère, dans le patio de l'Institut Pasteur, une autre tombe,
simple dalle de marbre blanc gravée d’un
pommier et d'un olivier entrelacés. C'est celle de Charles
Nicolle, Prix Nobel de médecine, né à Rouen (Normandie pays de la
pomme) en 1866 décédé à Tunis ( terres de l'olive) en 1936 au
terme de 30 ans de dévouement.
Peste
et choléra depuis la nuit des temps
Carrefour d'échanges
et de rencontres, la Tunisie a subi à
travers les âges des vagues d'épidémies de toutes sortes :
peste, choléra, variole, dengue, scarlatine, dysenterie bacillaire,
typhus exanthématique dont mourut Saint-Louis en 1270... Dans un
article publié en 1969 dans la revue « Annales » ,
Lucette Valensi documente les ravages de la peste de 1785. Elle cite
l’abbé Poiret : « Tabarka
deux fois repeuplée a servi deux fois de cimetière à ses nouveaux
habitants » En 1818, Tunis perd le quart de sa population
en moins de quatre mois ! En juin 1849, le choléra fait cent
victimes par jour.... En 1850, il décime 6 000 Tunisois.
« Tout au long de son histoire, la Tunisie a traversé des
crises sanitaires aux effets ravageurs » rappelle Me
Mahbouli dans un article publié dans « Réalités on line »
qui retrace les six siècles de malheurs qui ont précédé la
formidable révolution des vaccins de l'équipe de Pasteur.
Charles Nicolle et
Ernest Conseil
Tout comme Raoult et
Montagnier aujourd'hui, c'étaient des iconoclastes qui dérangeaient
les mandarins bien-pensants parisiens de l'époque, alors ils
n'avaient pas eu de peine à se faire nommer aux colonies. Atteint de
surdité, incapable de se servir d'un stéthoscope, le docteur
Charles Nicolle ne pouvait exercer. Il s'était résigné à la
recherche en laboratoire. Le docteur Ernest Conseil, chirurgien
amputé d'un bras à la suite d'une infection contractée en
salle d'opération, s'était lui aussi recyclé en infectiologie.
Travailleurs infatigables, intransigeants, généreux, les deux amis
s'étaient connus sur les bancs du lycée Corneille à Rouen avant de
se retrouver en 1903 à Tunis. Nicolle fut chargé d'installer le
tout nouvel Institut Pasteur,
Conseil de la direction des services d'hygiènes de la capitale. Les
deux hommes se feront apprécier de tous. L'arabe deviendra leur
seconde langue, la Tunisie leur deuxième patrie.
En 1926, près des
lieux où périt Louis IX, ils observeront qu'à l'hôpital musulman
Sadiki (fondé en 1662 par Aziza Othmana), le personnel ne contracte
pas la maladie car les patients passent obligatoirement par le hammam
avant leur admission. Ils en déduiront que le pou est le vecteur du
typhus, ce qui orientera leurs recherches vers le vaccin contre la
typhoïde.
Charles Nicolle
obtint le Prix Nobel. Prophétique, il déclarait : « Il
y aura des maladies nouvelles, c'est un fait fatal. Un autre fait
fatal est que nous ne saurons jamais les dépister dès
leur origine ».
Ernest Conseil qui aurait mérité de partager le Nobel, avait mis en
place à Tunis un système d'alerte et de prévention sans doute le
plus performant au monde de l'époque. Sitôt détecté, les malades
étaient conduit par omnibus sanitaires dans des lieux de
confinements spécialement aménagés, les lazarets, où ils étaient
astreints à
quarantaine. Mesure barrière simples dont l'efficacité prouvée au
fil des années ont conquis l'adhésion de la population.
Les héritiers de Nicolle et Conseil
En mars dernier,
alors que seulement 25 cas de Coronavirus sont détectés
en Tunisie, l'alerte est lancée. Les
écoles et les frontières sont fermées. Le Dr Abdellatif Mekki
ministre de la santé monte à l'assaut de l'épidémie. À la
télévision il adjure la population de se confiner. Il a les larmes
aux yeux. Il pleure non de faiblesse mais de sincérité. Il est
écouté. Immédiatement le pays se recroqueville. Confinement.
Couvre- feu. Dépistage systématique. Isolation des contaminés dans
les hôtels réquisitionnés. Dénonciations et interpellations des
récalcitrants. Toute la société fait bloc derrière les autorités: syndicats, associations, organisations de toutes sortes, banquiers,
industriels ... Les initiatives et les mouvements de solidarités se
multiplient. Ainsi, pendant 45 jours, deux cents ouvrières
volontaires se sont isolées dans leur usine pour produire des
masques sans discontinuer. L'État a secouru les plus démunis à
travers un système simple de code transmis par téléphone
permettant de retirer l'allocation dans les bureaux de poste ou aux
distributeurs de billets. Bref, à tous les niveaux de
responsabilité, les Tunisiens
ont fait preuve de réactivité, d'inventivité et d'humanité.
Mieux, le 11 avril, alors que l'Union Européenne était pétrifiée
d'égoïsme, le Président Kaïs Saïed a ordonné qu'une équipe
médicale au complet s'envole pour porter secours à l'Italie
voisine.
Alors, pour vos
premières vacances de déconfinés : pensez à
la Tunisie Covid safe !
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