dimanche 28 juin 2020

France-Tunisie, un après midi à l'Élysée


La visite officielle en rase-motte du Président tunisien en France lundi dernier est passée sous les radars de l’actualité. Il faut dire que le tempo et le protocole ont réduit l'événement à la mise en scène d’une déclaration tambourinante du Président Macron sur…la Turquie. Avec courtoisie, le Président tunisien s’est accommodé des manières françaises sans jamais paraitre s’en irriter. Décryptage. 
Protocole post-Covid  Arrivé dans l’après midi au Bourget, sans tapis rouge ni fanfare, ni salon d’honneur il s'est rendu à l’Élysée. On a alors pu contempler cette scène surréaliste d'un Président masqué dont le pays déplore 50 décès reçu nez au vent et main en avant par le Président d'un pays qui en dénombre 30 000 ! Après une imprudente accolade, Kaïes Saïed a escamoté sa bavette. Les deux hommes se sont ensuite isolé pour un entretien en tête-à-tête. Que se sont-ils dit de plus que dans les échanges téléphoniques de ces derniers jours ? Nul ne le sait. Une heure plus tard, dans les jardins du Palais, ils ont brièvement parlé devant un pupitre. 
L'arabophonie   À la surprise générale, le Président tunisien s’est exprimé en langue arabe. C’est du jamais vu dans les annales de la diplomatie franco-tunisienne. A t-il voulu manifester sa mauvaise humeur en contrariant l'exercice convenu des compliments protocolaires échangés dans ces circonstances ? Le français est la seconde langue de la Tunisie, elle est enseignée dés l'âge de huit ans. Kaïs Saïed a justifié l'emploi de l'arabe afin d'être mieux compris de ses compatriotes, l'explication est courte car on ne va pas à l'étranger pour s'adresser aux siens ! Dans son allocution, il a évoqué ses voyages en France quand il était universitaire et rendu hommage au doyen Georges Vedel de l 'Académie Française, éminent constitutionnaliste décédé il y a dix ans, dont quelques septuagénaires de Sciences Po se souviennent avec émotion. Puis il a brodé sur les concepts de « légalité » et de « légitimité » . L'homme que la démocratie a propulsé au sommet il y a seulement huit mois n'a pas encore quitté son habit de professeur. À moins qu'il n'ait voulu donner une leçon à son jeune collègue qui ignore les subtilités du droit public. Le tunisien a clôturé son propos en citant un axiome du Général de Gaulle « les régimes passent, les peuples ne passent pas » Dans ce premier exercice d'expression à l'Élysée, il a donné l'impression d'un orateur que la perte du texte de son discours contraint à improviser.
Condescendance   Saïed n'est pas un rhéteur ni un madré, mais « un homme de droit, intègre et dévoué au peuple tunisien » selon les mots choisis par Macron dans son propos de bienvenu. Il a ajouté maladroitement : « Dans ce moment critique, j’ai indiqué au Président Kaïs Saïed qu’il pouvait compter sur notre soutien pour faire face à la pandémie » C'est l'hôpital qui se moque de la charité car la Tunisie a enregistré seulement quatre décès par million d'habitants ; la France plus de 400. Statistiquement les Tunisiens de France ont été cent fois plus frappés que leurs compatriotes restés au pays. Macron aurait pu saluer le dévouement en première ligne des milliers de praticiens et soignants tunisiens qui exercent dans les hôpitaux français. Il aurait aussi pu annoncer la reprise des voyages sans barrière entre les deux pays.
Parenthèses hôpitaux et charité   En matière économique, Tunis avait enregistré sans trop y croire en avril dernier, l'engagement de Macron d'effacer l'intégralité de la dette de la France en l'Afrique. « Les promesses n'engagent que ceux les écoutent » (Henri Queuille). Le Président a rappelé (sans tact) l'engagements en cours (1,7 M€) et il a annoncé un « prêt » de 350 millions d'euros pour la construction (notamment par des entreprises françaises) de deux hôpitaux. La Tunisie est abonnée à ce genre de générosité de circonstance. Elle collectionne déjà les crédits pour hôpitaux de la part du Kuwait, du Qatar, de l'Arabie Saoudite... Nul ne connait le taux du prêt français, mais à contre- courant de la conjoncture, il ne sera assurément pas à taux négatif. Paris persiste présenter des offres de crédits comme des cadeaux (humanitaires). Le Président Saïed a remercié évoquant la perspective de projets plus ambitieux comme celui d'un TGV Tabarka-Gabès (en attendant Alger-Tripoli). Dans le registre des projets onirique, on s'étonne que celui de Ferdinand de Lesseps reliant le désert tunisien à la mer n'ait pas resurgi des archives.
Tête de turc  Comme au Kremlin de la belle époque, en guise de conférence de presse, deux « journalistes » ont posé deux questions supports à deux déclarations préparées. Ce qui a permis au Président Macron de vilipender « le jeux dangereux de la Turquie », et d'évoquer une conversation du jour avec Trump laissant supposer une concertation entre partenaires de l'OTAN. Impassible, le Président Saïed a confirmé que la Tunisie était « opposée à toute ingérence étrangère en Libye d'où quelle vienne » ajoutant que la partition de ce pays « serait un péril pour toute la région », posture partagée par l'Algérie. Bref France et Tunisie ont poliment et ouvertement affirmé leur profond désaccord sur la guerre de Libye qui menace d'embraser la Méditerranée occidentale par l'affrontement direct entre Turcs et Égyptiens. Dans cette crise grave où les puissants ont chacun de bonnes raisons d'en découdre - pétrole à partager, base militaire à occuper, confrérie musulmane à éliminer – la petite Tunisie s'oppose avec détermination à la France, répétant que la solution ne peut venir que de l'autodétermination du peuple libyen souverain. Si cette rencontre avait pour Macron l'ambition d'un alignement de la Tunisie sur la France et pour Saïed l'espoir d'imposer sa médiation ; l'échec est patent.
Fromage et dessert  Puis les Présidents sont passés à table. Dîner de Chef étoilé avec orchestre de chambre, une centaine de couverts, quelques vedettes des réseaux sociaux, des hommes d'affaires. À la table d'honneur, Béchir Ben Yahmed doyen des journalistes, qui fut à l'âge de 18 ans ministre de Bourguiba. Ses confrères de la presse accrédités à l'Élysée ont rapportés la présence à ce premier gala des déconfinés de la première dame « Brigitte très en beauté ». Madame Saïed n'était pas du voyage.
Voyage pour se faire respecter ?  Le lendemain, le fringant Jack Lang a été mis à contribution à l'Institut du Monde Arabe pour une séance de calligraphie, puis le Président tunisien a reçu des compatriotes à l'ambassade et essuyé la fronde de quelques islamistes excités. Enfin, il a échangé - en français cette fois -, avec des journalistes du quotidien Le Monde et de France 24. De cette visite « de travail et d'amitié » expédié, on retiendra le souvenir d'affinités refoulées et de divergences cachées. Une semaine après que son rival Ghannouchi ait reçu à dîner à Tunis l'ambassadeur de France, le Président tunisien a donné l'impression d'être encadré par un programme minimaliste millimétré dont il n'est pas parvenu à s'affranchir. Pour lever ce doute au risque de le renforcer, il a déclaré avant de rentrer à Tunis qu'il était le seul et unique patron de la diplomatie tunisienne ajoutant « je n'aime pas que l'on me marche sur les pieds » 

dimanche 21 juin 2020

Kaïes Saïed Macron premier sommet déconfiné

La première visite d'un chef d'État étranger à Paris est toujours pour celui-ci un événement à marquer d'une pierre blanche. La capitale des lumières attire sans distinction, tous les papillons du monde. Alors être reçu en grande pompe sur un tapis rouge encadré de gardes républicains sabre au clair, descendre les Champs Élysées pavoisés aux couleurs de sa nation... ce n'est pas rien ! La France pour ses hôtes met toujours les petits plats dans les grands. Tous ses caprices sont exaucés. Le protocole du Quai d'Orsay est la meilleure agence de tourisme de France. On se souvient de la façon dont elle satisfit tous les caprices de Khadhafi. « nous avons besoin de la Libye » disaient Fillon et Sarkozy. Treize ans plus tard, la France a perdu la Libye, elle a besoin de la Tunisie. Pour autant, le déplacement qu'effectuera le Président tunisien Kaïes Saïed à Paris à partir de lundi ne sera pas entouré de la pompe appréciée des dictateurs africains et Princes saoudiens. Ce sera une sobre et discrète visite de travail de 24 heures sans faste ni tralala mais aux enjeux importants dont dépend le destin commun de deux pays.

Premier sommet international post-virus   Depuis six mois, les grands vivaient en apnée tout comme leurs sujets ; ils échangeaient par visoconférence interposée. La visite officielle du Président tunisien marque le retour aux usages diplomatiques. Elle précède l'ouverture des frontières sanitaires entre les deux pays et l'espoir de vacances estivales sans entrave. Emmanuel Macron ne manquera pas de saluer la remarquable bataille contre le Covid-9 de la Tunisie qui n'a déploré que 50 victimes grâce à aux mesures draconiennes prises à bon escient au bon moment. À Tunis, dés que la pandémie a gagné l'Italie, les lanceurs d'alertes du corps médical ont réussi à convaincre les autorités de la gravité du péril. Immédiatement, barrage social, dépistages, masques, confinements, fermetures des frontières... ont été mis en œuvre avec les moyens du bord mais de façon exemplaire. La performance atteste de la qualité de la gouvernance du pays et du degré de cohésion de la population derrière ses dirigeants. Admiratif et envieux, Macron n'aura pas à forcer le compliment. Il aura de surcroit et pour la première fois, un tête à tête avec le Président républicain arabe et musulman de l'unique pays rescapé des révolutions de 2011 ; avec le seul Chef d'État de la région élu démocratiquement et qui dirige l'un rares pays arabes (6 sur 22) à ne pas être en guerre ou en conflit larvé avec ses voisins.

Un hôte hors normes   Le Président de la République tunisienne ne ressemble pas à ses prédécesseurs. Il n'est pas du genre à se gonfler d'orgueil sous les ors de la République et les guirlandes de louanges. C'est un ascète, économe de ses mots, de ses gestes et de ses emportements. Lecteur de de Gaulle, c'est un indépendant insoumis pour qui la souveraineté de la Tunisie n'est pas monnayable : les Turcs, les Émiratis, les Qataries, les Saoudiens, les Égyptiens, les Algériens qui ont tenté de le circonvenir ont échoué. Sur la richissime Libye voisine courtisée par tous les prédateurs de la terre, Carthage campe sur sa salutaire politique de neutralité. « Aux Libyens de résoudre leurs problèmes hors de toute ingérence étrangère » La posture est inconfortable car la Libye est le théâtre d'affrontements d'une guerre froide internationale qui peut chaque jour basculer dans une confrontation en chaîne. Ainsi, Paris veut-il empêcher Ankara de livrer des armes au gouvernement de Tripoli. Les unités lourdes des marines turques et françaises s'affrontent au large dans des joutes électroniques périlleuses. Le dernier incident très sérieux a failli dégénérer en bataille navale entre deux partenaires de l'OTAN moribonde. C'est sans précédent ! La guerre en Méditerranée occidentale est désormais une hypothèse probable. Prise en tenaille, la diplomatie tunisienne est dans l'embarras. Elle cherche à se tenir à l'écart de cette bagarre dans la cour des grands dont elle présage qu'il n'y a que des coups à prendre et résiste aux pressions byzantines mais pas seulement, qui menacent à mots couverts : « ne pas être avec nous, c'est être contre nous » 

Relocalisation stratégique   Gravement sinistrée par le coût de la crise sanitaire qui vient s'ajouter à son endettement important, le Coronavirus offre l'opportunité de permettre à ce petit pays de onze millions d'habitants très éduqués de concurrencer « l'atelier du monde ». L'employé asiatique est neuf fois moins cher que le français, le tunisien « seulement » cinq ou six fois, mais il parle français, et produit des biens et des services à une heure d'avion ou une nuit de bateau de Marseille. Alors, dans la conjoncture post-Covid-19, ça change tout ! La Tunisie peut devenir la zone de relocalisation stratégique des industries françaises. Dans cette perspective, une politique d'abandon de la dette et de garantie des investissements pourrait booster la relance. Le Président Macron traduira t-il en actes concrets les promesses de son allocution du 13 avril 2020 ? « Nous devons aussi savoir aider nos voisins d’Afrique sur le plan économique en annulant massivement leurs dettes. »

Une diaspora oubliée, des plénipotentiaires en congé longue durée   La moitié des 1,7 millions Tunisiens qui résident à l'étranger sont installés en France. Le Président Saïed ira à leur rencontre pour écouter leurs doléances. Ils réclament notamment une refonte des services consulaires débordés et l'ouverture en urgence du ciel tunisois à la concurrence pour voyager à prix décent. Les Tunisiens de l'étranger sont de loin les premiers touristes dans leur propre pays par le volume des transferts d'argent. Aujourd'hui, ils redoutent la double peine d'un confinement frontalier qui les empêcherait de retrouver leurs familles si des mesures de circulation exceptionnelles n'étaient pas prises dans les prochaines semaines.  Au surplus, depuis le mois de décembre, Carthage n'a toujours pas désigné d'ambassadeur en France. Pas de consul général à Paris non plus. La personnalité de celles ou ceux qui seront nommés traduira le niveau de considération que Tunis entend donner à sa relation avec Paris. Réciproquement et dans le même temps, le profil de l'ambassadeur nouveau qui sera accrédité à Tunis en dira tout autant sur l'importance qu'accorde la France à la Tunisie. Enfin, la Francophonie, dont le sommet devrait avoir lieu à Djerba à la fin de l'année, si cher au Président Macron est un sujet de fâcherie qui ne passionne pas les Tunisiens mais qui sera probablement traité avec tact et diplomatie.

En marge des réceptions officielles, le Président prendra peut-être le temps d'une promenade à Belleville, au Mont Valérien ou au Quartier Latin pour marcher dans les pas de Bourguiba, le plus illustre de ses prédécesseurs, qui prenait plaisir à s'arrêter place de la Sorbonne pour méditer quelques instants devant la statue d'Auguste Comte où est gravée la devise que tout Chef d'État devrait faire sienne « Vivre pour autrui »

https://www.realites.com.tn/2020/06/non-au-tre-bashing″-tarek-ben-hiba-adresse-une-lettre-ouverte-a-abdellatif-el-mekki/

mardi 16 juin 2020

Tunisie France, le devoir de mémoire

 « Le devoir de mémoire est celui de rendre justice par le souvenir à un autre que soi » Paul Ricoeur.  En ce mois de juin 2020, la Tunisie et la France ne se regardent plus dans le miroir de juin 1940.
Gafsa Tunisie juin1940
Des jeunes soldats sont regroupés aux portes du désert puis acheminés dans la nuit vers Tunis. Au petit matin, ils embarquent sur la proue d’un paquebot qui cingle aussitôt vers Marseille. Les hommes du 4ème Régiment de Tirailleurs Tunisiens partent à la guerre. Pendant la traversée, les passagers de première classe du pont supérieur leur jettent des friandises et des cigarettes qu’ils se disputent joyeusement. Ils sont heureux de la découverte de la mer. Après une traversée sans histoire, un train les attend sur le quai de la Joliette. Le convoi gagne Paris où les hommes cantinent à la hâte d’une soupe avant de sauter dans des camions. Sur le pont d’Austerlitz traversé à faible allure, certains croient discerner la Tour Eiffel. Au petit matin, la troupe bivouaque en forêt de Rambouillet. Au lointain, le canon tonne. Les hommes ne s’en alarment pas, tout occupés qu’ils sont à contempler les arbres immenses, caresser la mousse, effeuiller les fougères. Le lendemain, en attendant l'ordre de marche, ils capturent trois poules faisanes dont se régalent les officiers lesquels en échange blessent au fusil deux « gazelles », des chevreuils aussitôt égorgés et rôtis au bord de l’étang du Moulinet. 
Le 1er bataillon du 4ème RTT meurt mais ne se rend pas  Le 14 juin, alors que Paris est déclarée ville ouverte, le bataillon reçoit l’ordre de rallier Chartres. Les routes sont encombrées par l’exode d’une population paniquée. L'armée française en colonnes pressées doublent une file ininterrompue de civils hagards dans une débâcle indescriptible. L’armée allemande est à moins de 20 km. Vers le soir, au bout d’une route droite tracée entre les champs de blé de la Beauce, la troupe prend position près d’un hameau désert d’où l’on aperçoit les flèches de la cathédrale de Chartres. Le bataillon reçoit l’ordre de stopper l’avance des chars allemands. Par petits groupes, les hommes creusent des tranchées. Le Capitaine Davasse rassemble ses hommes : « ne laissons pas l’histoire nous traiter de lâches. Jurons de périr ici pour l'honneur». Tous prêtent serment. Le jour suivant, ils résistent jusqu’au soir. Les derniers survivants formant le carré en défense crient : « vive la France…. Allah akbar ! » avant d’être hachés par la mitraille.
C’était le 16 juin 1940, à Houville-la- Branche en Eure et Loir. Le 18 juin, les 50 villageois qui s’étaient réfugiés dans la chênaie s’en retournèrent pour mettre en terre dans leur cimetière les restes de 63 gosses. Depuis, chaque année, les habitants observent une journée de deuil et s’en vont fleurir la tombe des hommes qui arboraient l’éléphant d’Annibal sur leur fanion. La dépouille de l'un d'entre eux sera transférée à la Libération au Mont Valérien qui domine Paris, haut lieu de la mémoire imprescriptible de la France où reposent 16 héros de la résistance à la barbarie.
Le Bardo 80 ans plus tard
À l'Assemblée des Représentants du Peuple, un groupe de députés de l'ultra droite islamiste soumet à leurs collègues le vote d'une motion réclamant les excuses de l'État français pour les crimes commis durant la période coloniale et subsidiairement, pour avoir ensuite pillé les ressources du pays avec la complicité de Bourguiba le libérateur de la Tunisie En cette période post-pandémie de grande inquiétude économique, on aurait pu penser, que la représentation nationale eut trouvé d'autres chats à fouetter. Mais la seconde République tunisienne ressemble étrangement à la troisième République française ; les querelles partisanes, les intérêts privés et les influences étrangères dominent la vie politique. Le pouvoir exécutif est inlassablement harcelé par quelques groupuscules minoritaires qui cherchent à se faire remarquer par leur verbosité intempestive. Cette dernière tempête dans un verre d'eau cible le Chef de l'État Kaïes Saïed dont la diplomatie est un des domaines constitutionnellement réservés. Elle met également dans l'embarras le Premier ministre Elyes Fakhfakh soucieux de ne pas congeler des relations déjà très fraîches avec la France qu'affichent la double absence d'ambassadeur et de consul général de Tunisie en France depuis plus de 6 mois ! Au surplus, la perfide proposition parlementaire présente l'avantage de faire sortir de ses gongs une nostalgique du tandem Bourguiba-Ben Ali, surnommée la Callas de l'hémicycle en raison de son incroyable talent à se répandre dans un déluge de mots en donnant l'impression de ne jamais reprendre sa respiration. Plus sérieusement, on cherchera aussi dans cette partie de billard parlementaire à trois bandes, l'alibi de la Libye voisine, théâtre d'une guerre mondiale par procuration.
« Quand c'est difficile, on dit : c'est la France ! »  Durant les débats d'une trentaine d'heures, dont voici un florilège, un député a relevé que seuls les chefs d'État inféodés à la France ont leur statue dans la capitale française (Esplanade Habib Bourguiba Paris 7ème arrondissement). Un de ses collègues a proposé d'exiger des binationaux le reniement de leur nationalité française. Un autre député s'est étonné que la France soit la seule visée alors que la Tunisie a été pareillement colonisée par les Turcs de l'empire Ottoman...il aurait pu ajouter les Phéniciens et les Romains, citant toutefois les Allemands et les Britanniques mais oubliant les Américains, les Marocains, les Tchadiens, les Sénégalais, les Algériens... qui se sont battus en Tunisie en 1942 et 1943 contre les fascistes italiens et les nazis. D'une petite voix, un autre élu a rappelé sans citation que Macron s'était déjà excusé. « La colonisation est un crime... ça fait partie de ce passé que nous devons regarder en face en présentant aussi nos excuses à l'égard de celles et ceux vers lesquels nous avons commis ces gestes. » (Alger février 2017)
Finalement, au terme d'échanges d'arguments d'inégales pertinences en séance plénière et d'injures copieuses dans les couloirs, on est passé au vote. Pour 77, abstention 46, contre 5. Majorité requise : 109. La motion a donc été rejetée par le silence de 86 députés absents et de 5 courageux. Ce scrutin mesure l'indice de désarroi profond des élus de la fragile démocratie tunisienne. « Quand c'est difficile, on dit : c'est la France ! » Emmanuel Macron (Abidjan décembre 2019) 
Suresnes 18 juin 2020
Comme tous ses prédécesseurs depuis Charles de Gaulle, le Président de la République Française sera ce jour-là au Mont Valérien. Dans la crypte du souvenir, il s'inclinera devant les dépouilles des 16 martyrs de la Liberté, il s'attardera pour lire l'épitaphe gravée sur le cinquième caveau en partant de la droite : Mohamed Amar Hedhili, né à Hergla, Tunisie en 1913...