samedi 28 octobre 2023

Ni Hamas ni Likoud

Faut-il ajouter un commentaire aux images d’horreurs qui inondent les médias invitant le téléspectateur à rejoindre une équipe de supporters comme si Israël-Palestine se jouait entre Darmanin et Benzema sur grand écran devant une bière-frites ? C’est la guerre avec son cortège d’horreurs et d’atrocités.  Il n’y aura pas de gagnants.Tous les survivants seront perdants, les vainqueurs comme les vaincus.


Vengeance: les « animaux humains » du Hamas seront exterminés ont promis Gallant et Netanyahu ivres de colère. Ils ont délibérément entrainé vers la mort ou des souffrances indicibles 2,3 millions de civils prisonniers du ghetto de Gaza. Injustice et ignominie. Après le Bataclan et Charlie nul à part l’irresponsable  Éric Zemmour n’a songé aller punir les habitants de Molenbeek coupables d’avoir couvé des terroristes ! A-t-on jamais suggéré d'aller en représailles raser les quartiers où vivaient l’assassin de Samuel Paty ou de Dominique Bernard ? La sidération fait perdre la raison. Approuvé par les alliés d’israël, le droit à la légitime défense est devenu celui de la légitime vengeance. La spirale des abominations ne fait que commencer, batailles médiévales sans merci, oeil pour oeil, dent pour dent. Depuis le siège de Jérusalem par Godefroy de Bouillon, il semblerait que le bon dieu et les hommes aient sur cette terre sainte renié toute compassion. 


Arrogance et ignorance: en France, les va-de-la-gueule accoudés aux comptoirs des télés-infos s’en sont donné à coeur joie. Les « experts » qui hier encore nous assénaient des vérités sur l’invasion de l’Ukraine, décryptent aujourd’hui l’Orient compliqué avec l’assurance  des ignorants. Dans la précipitation, nos responsables politiques hâtivement briefés par des conseillers techniques sous influence ou nés de la dernière pluie ont multiplié les bévues. Les médias et les réseaux sociaux occultant l’analyse et la réflexion ont saturé l’information d’émotions. Ils ont monté en épingle la diatribe d’un élu en mal de notoriété qui réclamait la déchéance de nationalité d’un sportif et fustigé un autre qui pinaillait sur le sens d’un mot en tournant autour du pot. 

Au lieu de porter le deuil de nos compatriotes assassinés en drapant de noir les trois couleurs en berne, on a hissé sur des mairies le drapeau d’Israël. Au nom de qui et de quel droit ? Parmi tous les hommes politiques seul Dominique de Villepin s’est immédiatement exprimé avec justesse hauteur et dignité en s’étonnant que l’on ait pu « inventer l’enfer sur terre » cependant que la plupart des élus ont dans un méprisable élan égoïste cherché à conforter leur clientèle en prenant le parti du plus grand nombre d’électeurs juifs ou arabes de leur circonscription. 


La France n’est pas Israël : la nation française dénombre 600 000 juifs. L’appartenance à cette religion leur confère automatiquement le droit à la nationalité israélienne. La France compte aussi plusieurs millions de citoyens musulmans ayant pour la plupart hérité du droit à la nationalité d’origine de leurs aïeux par agnation. Plus d’un Français sur dix est donc directement affecté dans sa culture par la guerre en Palestine.

Que dans leur ensemble, les juifs de France soient solidaires d’Israël se comprend, que les musulmans le soit de Gaza pareillement. Pour autant, ils ne sont pas en guerre: aucun d’entre eux n’est parti s’engager. À travers leur communauté ils portent simplement le deuil et l’indignation de la nation. 


Garder raison: brimer la liberté de penser et de s’exprimer conduit à monter les Français les uns contre les autres. Il a fallu recourir au Conseil d’État pour permettre qu’un rassemblement favorable à la Palestine soit autorisé place de la République à Paris le 22 octobre dernier. La police craignait. Pourtant, des manifestations distinctes dans des lieux différents derrière des banderoles opposées n’ont pas provoqué les violences redoutées. À Sarcelles et dans le 19ème arrondissement de Paris les communautés juives et musulmanes se côtoient sans se chamailler. Hélas les va-t’en-guerre n’ont pas dit leur dernier mot. Que pèsent les messagers de nos intelligences nationales comme celles d’Étienne Balibar, Sophie Bessis, Amine Malouf… face au déferlement de propagande des médias inféodés qui diffusent des points de vue biaisés


La France n’est pas Gaza: la plupart des binationaux sont attentifs aux nouvelles de leur pays d’origine. Ils regardent les chaines françaises d’information en continu mais zappent en parallèle vers les télés arabes. Ils ont l’avantage de pouvoir mesurer le parti pris et les mensonges des deux mondes. 

Le Maroc signataire des accords d’Abraham a exprimé sa « préoccupation », l’Algérie a dénoncé « une agression sioniste barbare » le Président tunisien a réitéré « le soutien total et inconditionnel de son pays à la cause palestinienne », il a ordonné qu’en signe de solidarité, les écoles hissent les drapeaux tunisiens et palestiniens et que les élèves entonnent les deux hymnes avant d’entrer en classe. 

Par l’observation de ces postures politiques, la perception de la situation depuis la France  par les binationaux est sans doute plus équilibrée que celle des français de mono-culture. Mais hélas d’aucuns cherchent à attiser les braises.


L’huile sur le feu: à bas bruit, un sentiment d’hostilité à la France se développe en Afrique du Nord. Entre Paris et Rabat, Alger, Tunis les relations diplomatiques n’ont jamais connu semblable répulsion depuis la colonisation. Le Maroc tourne le dos, le roi boude ostensiblement Macron. Le Président algérien n’est pas plus aimable car sa visite d’état à Paris est repoussée aux calendes grecques depuis que l’Algérie a réintégré dans son hymne national un couplet révolutionnaire ouvertement hostile à la France qui ne saurait être entonné dans la cour des Invalides. À Tunis, une figure historique de la gauche proche du pouvoir n’a pas hésité à appeler le gouvernement à expulser l’ambassadeur de France dont le pays soutient l’entité sioniste. C’est du jamais entendu depuis la crise de Bizerte de 1961 !


Une diplomatie inerte: comment expliquer cette fâcherie qui risque à tout moment de se muer en hostilité  autrement que par l’ancrage du sentiment anti colonial exacerbé par la politique de restriction des visas, l’immigration clandestine, les difficultés économiques, mais aussi par la vertigineuse perte d’influence de la France sur le continent africain.

Depuis Sarkozy, la diplomatie de la France est à la dérive. Son message est brouillé, Paris dit tout et son contraire, cherche sans cesse à ménager la chèvre et le chou. Hormis quelques milliardaires nord américains, qui est l’ami de Macron ?  Pour les dirigeants étrangers la France est un fournisseur d’armement et une destination de villégiature de luxe. Point. Avec le gouvernement français on parle surtout business et foot confesse le proche d’un émir en rigolant.


La république en danger: m’ayant entendu parler arabe au téléphone à la terrasse d’un café parisien, un jeune attablé à coté m’adresse des paroles de sympathie. Sur la religion, il me dit des inepties que je parviens à contredire en me  demandant si son approbation n’est pas simple politesse due notre différence d'âge. Sur la politique. Je laisse filer. Chacun ses opinions. Puis ce descendant d’immigré qui sait quelques mots d’arabe et quelques préceptes de l’islam appris sur TicTok me déclare sur le ton de la connivence: « de toute façon, ils ne nous aiment pas »… Je sursaute: qui ils ? « mais les français bien sûr !.. » C’est la posture de victimisation des musulmans si bien décrite par Pierre Conesa il y a dix ans ! Mais il est probable que dans un autre quartier, le bi-citoyen d’une autre religion aurait tenu semblable discours car la guerre de Gaza ajoute à la discorde des Français. 

Le déni de nationalité gagne les ignorants de l’Histoire qui se sentent étrangers dans leur patrie. Alexandre Vialatte aurait pour une fois, bien été obligé d’en conclure que la République est en danger.

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