L’injonction « ferme ta gueule ! » lancée par Gérard Larcher à Jean-Luc Mélenchon est un avertissement qui s’adresse pareillement à tous ceux qui osent dénoncer l’épuration ethnique à Gaza.
Pierre Conesa est un personnage singulier dans le paysage médiatique des experts français en géostratégie. Spécialiste reconnu pour ses analyses et ses thèses sur les radicalismes de tous bords, la vingtaine d’ouvrages qu’il a publiés sont pour la plupart traduits et diffusés dans les universités du monde entier.
Jeune agrégé d’histoire, ce travailleur boulimique et curieux de tout passe un diplôme de mathématique, un autre de chinois et pour meubler ses insomnies…il prépare l’ENA. Reçu. Parmi les fils-à-papa empesés sortis de Sciences-Po, le jeune pied noir surdoué détonne par son calme, sa nonchalance et son apparente absence de passion. Est-il de droite ? De gauche ? Seule certitude, c’est un farouche républicain. À sa sortie de l’école, il part ronronner quelques années dans un tribunal administratif avant d’être chargé de la stratégie au ministère de la Défense. Dans ce poste qu’il conservera jusqu’à la retraite, ses analyses sont des perles rares que s’échangent un petit cercle d’habilités « confidentiel défense ». Conesa ne prend jamais de gants, il est factuel, dépouillé de tout préjugé. Chaque ministre pense à lui pour de très hautes fonctions dans l’armement ou le renseignement avant de renoncer car l’homme trop indépendant refuse toute allégeance politique. En quittant le ministère de la Défense, il pantoufle dans une société d’intelligence économique, puis délivré de son devoir de réserve il publie un livre fracassantdans lequel il accuse la dynastie des Saoud d’Arabie d’être le « géniteur de radicalisme » et de nourrir le terrorisme islamiste dans le monde. Dire que cet ouvrage a contribué à changer la perception qu’avaient les décideurs occidentaux sur le royaume de la duplicité et de la terreur n’est pas exagéré. Se demander si la thèse de Conesa est à l’origine des changements observés en Arabie Saoudite, c’est poser la question d’Edward Lorenz: « le battement d'ailes d'un papillon au Brésil peut-il provoquer une tornade au Texas ? »
Nous avons oublié notre l’histoire « Les cadavres jonchaient encore les rues. Des terroristes arrêtés, hébétés, demeuraient accroupis sous la garde des soldats…. Alignés sur les lits, dans des appartements dévastés, les morts, égorgés et mutilés (dont une fillette de quatre jours) offraient le spectacle de leurs plaies affreuses. Le sang avait giclé partout… À l’hôpital, des femmes, des garçonnets, des fillettes de quelques années gémissaient dans leur fièvre et leurs cauchemars, des doigts sectionnés, la gorge à moitié tranchée. » Le gouvernement soutenu par son opinion indignée déclare qu’il ne négociera jamais avec « ces terroristes ». Gaza ? Non. C’était en août 1955 en Algérie. C’est ainsi que Jacques Soustelle décrivait l’horreur. Le FLN venait d’appliquer à son tour, dix ans après le gouvernement français, le principe de « responsabilité collective » pour punir sans discernement les femmes et les enfants. Sept ans plus tard, en mars 1962, après d’innombrables massacres de civils de part et d’autre, la France signait la paix d’Evian avec une délégation de « terroristes ». Comparer les « terroristes » du Hamas avec ceux du FLN - que l’armée française désignait alors comme « hors la loi » - n’est pas politiquement correct car chacun sait qu’aucun gouvernement israélien ne négociera jamais avec les « terroristes », ben voyons ! Il ne faut pas confondre les juifs de Palestine avec les pieds-noirs, aucun ne fera jamais sa yérida, ben voyons !
Nous ignorons la géographie La bande de Gaza c’est la superficie du Territoire de Belfort où vivent 200 000 habitants contre plus de 2 millions à Gaza. Il faut imaginer Belford sous des bombardements que la presse sans objectivité désigne comme des « frappes ciblées » qui sont en fait des tirs de missiles air/sol de trois cents kilos à dévastation spécifique largués depuis des drones ou des avions. 400 à 800 raids par jour. Plus de 100 000 victimes. La proportion 1/3 d’enfants, 1/3 de femmes est inégalée dans les guerres de l’histoire du monde. Comment qualifier cette boucherie sinon de génocide.
La Cisjordanie c’est la superficie de la Creuse ou des Yvelines. Trois millions de Palestiniens environ et un million d’Israéliens cohabitent vaille que vaille. Les Palestiniens administrent seulement 18% du territoire qui est un labyrinthe entrecoupé de routes murées et de barrages de sécurité qui rendent les déplacements kafkaïens. Encouragé par la droite radicale au pouvoir, des centaines de milliers d’Israéliens se sont appropriés par la force les meilleures terres palestiniennes. Chaque jour des fermiers sont expulsés sous l’oeil passif des autorités. Chaque jour des jeunes insurgés sont tués.
Ghetto ou pas ghetto Il n’est pas politiquement correct d’assimiler le ghetto de Gaza à celui de Varsovie où vivaient « seulement » 380 000 juifs, ni de rappeler que ceux-ci finirent par se révolter. On ne peut pas laisser dire que des descendants de cette population martyre, chassée au lance flamme, déportée et en partie exterminée sont aujourd’hui la honte des démocraties occidentales. Pourquoi pas ? Aux Etats Unis des rabbins organisent des rassemblements pour exiger « l’arrêt du massacre ». En France, des intellectuels juifs qui savent l’histoire, s’élèvent courageusement contre la réplique actualisée des ghettos du siècle dernier et donnent l’exemple à des dizaines de milliers de pétitionnaires indignés. À Paris, les manifestations de rue sont interdites par le gouvernement. Plus sioniste tu meurs ! De son coté, le président transgresse sa fonction, viole la constitution et tous les usages de la Vème république. Il encourage la tolérance à l’illégalité au point que même le CRIF, qui n’est pas un mouvement insoumis s’est indigné qu’il ait pu organiser une cérémonie religieuse juive à l’Élysée. Pour marquer définitivement la caducité de la loi de 1905 et apaiser la colère des musulmans des « ghettos du 93 » qui menacent de chahuter les JO, un mouton sera-t-il rituellement égorgé à la grille du Coq en juin prochain pour célébrer l’Aïd el-kébir en présence de Brigitte Macron ?
« Ferme ta gueule ! » Cette sortie préméditée très médiatisée du Président du Sénat Gérard Larcher n’a pas pour objet de discréditer un opposant politique; elle est la réponse à toute tentative de débattre sur Gaza. C’est une injonction familière de comptoir employée par ceux qui sont à court d’argument. Elle vaut avertissement et précède souvent le geste de violence… toutes les épouses de machos vous diront qu’un « ferme ta gueule ! » précède la gifle. Cette insulte calquée sur le célèbre « casse toi pauv con » de Sarkozy est indigne d’un personnage se réclamant de l’héritage moral de Charles de Gaulle.
Cette instrumentalisation de l’antisémitisme qui est mis à toutes les sauces vise à paralyser la classe politique tout entière. Ainsi, voici l’ancien ministre des Affaires étrangères de Jacques Chirac, Dominique de Villepin, vilipendé pour avoir oser dire « la domination financière sur les médias et sur le monde de l’art et de la musique pèse lourd ». Lourd de sous-entendus pour certains médias qui ont traduit dans leur langage « domination juive ». Bientôt on ne pourra plus monter sur un plateau de télévision sans avoir présenté un mot d’accréditation de Meyer Habib, le député ami de Netanyahu !
Censure Pierre Conesa est un habitué de BFMTV. Après avoir été invité deux jours de suite, il apprend qu’il est désormais interdit d’antenne. Le présentateur Yves Calvi aurait reçu des consignes de son rédacteur en Chef lequel aurait suivi des instructions venues d’en haut… De là à imaginer que Patrick Drahi le propriétaire israélien de la chaine ait mis son grain de sel, tous les antisémites sautent le pas.
En Israel, la chaine est regardée par quelques uns des 530 000 francophones qui n’apprécient pas tous le parler « cash » de Pierre Conesa. À propos de Gaza, celui-ci a osé aborder « l’épuration ethnique » rappelant l’expulsion des Arméniens par l’Azerbaidjan. Il a comparé le ghetto de Gaza à celui de Varsovie. Il a dit que deux extrémismes se faisaient face…Enfin, il a évoqué l’Algérie, rappelant qu’en son temps, le FLN tout comme le Hamas avait été qualifié de « terroristes ». Que n’avait-il pas dit ! Il y a 15 000 000 francophones algériens dont quelques milliers de chatouilleux qui traquent les propos pour et anti de BFMTV.
Qu’on se le dise, la Palestine et l’Algérie sont des sujets tabous parmi beaucoup d’autres, et tous ceux qui s’écartent des éléments de langage de la « domination financière » sont censurés.
Alors, « ferme ta gueule ! » Conesa.
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