Ce n’est pas une révolution de fleurs. Ni rose ni jasmin. C’est une révolution de sang et de pleurs, d’amour et de haine. Celle des hommes aux mains nues. Elle bouleverse chaque tunisien car immanquablement et de façon plus ou moins tragique l'histoire de sa famille a croisé celle du tyran.
A Rambouillet, dans un petit pavillon en meulière, le téléphone n’arrête pas de sonner… Le vieil homme aux yeux pétillants décroche : « merci, merci, mais je suis devenu sourd, mon épouse va vous répondre et me dira qui vous êtes » s’excuse t-il.
Hier, par l’audace inouïe d’un obscur serviteur du palais, il a été parmi les premiers informés de la chute de Carthage. Depuis, de partout, on le congratule d’avoir vécu si vieux pour voir à la télé pareille journée de délivrance. Il attendait patiemment ce moment depuis ce 4 novembre 1987 où le dictateur en herbe lui avait donné le choix entre trahir Bourguiba ou aller en prison. Il y alla et pire encore.
A présent il rayonne, il jubile « Le peuple tunisien est grand, sa jeunesse merveilleuse, elle est digne de Chebbi…idha charbou yawman arad el hayet… » (Lorsqu’un peuple veut la vie, force est aux ténèbres de se dissiper et aux chaines de se rompre.) Ce quatrain du célèbre poète tunisien avait été ajouté par Bourguiba à l’hymne national. Les enfants d’aujourd’hui le chantent dans la rue.
Pas seulement en Tunisie d’ailleurs. De Sanaa à Nouakchott la rue arabe voit rouge et blanc, elle bruisse du chant de Chebbi en se demandant si le prochain craquement d’allumette fera tomber le ciel ou renaître son pays.
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