En sortant du métro, un journal éponyme m’offre l’information gratuitement : les six cent mille tunisiens de France peuvent voter à compter d’aujourd’hui ! Je me rue au cybercafé du coin. La toile me confirme la nouvelle. Un puissant moteur de recherche trouve le bureau de vote le plus proche de mon domicile : rue Lavergne à Asnières.
Jamais mis les pieds dans cette banlieue. Pas simple à trouver. Après deux heures d’errance j’y suis. Le local communal est humble. Les organisateurs courtois, affables.
C’est un grand jour. C’est la première élection arabe libre. Il faut savourer son plaisir. Il y a de l’émotion dans l’air, des larmes au bord des yeux. Suis-je inscrit ? Ce n’est pas grave. On cherche, on trouve, je signe, dépose mon portable et ma carte d’identité. Un scrutateur m’explique en me tendant une grande feuille et un stylo : « c’est simple, vous entrez dans l’isoloir, fermez le rideau, mettez une croix sur la bannière de la liste choisie, pliez la feuille en huit, et la mettez dans l’urne ». Pour prévenir la fraude, il trempe mon index gauche dans un liquide pâteux. Je le récupère tout bleu.
Le bulletin de vote est grand comme la première page de France-Soir. C’est une liste de quarante huit partis. Ecriture arabe et française. Aux mal comprenant comme moi, chaque formation se signale par un idéogramme : une balance, un poisson, une faucille, un bateau, un olivier. Jolis dessins. Choix difficile. Je pense à M’Hamed, Hédi, Serge. Longue méditation. Je prolonge le plaisir. Enfin, je glisse mon bulletin dans l’urne « a voté ! ». Je quitte ces lieux silencieux comme à regret.
Il manque la cacophonie joyeuse du tabbel, de la tarbouka, de la flûte, du bignou et des youyous. Il manque Smaïl Hattab, Zina et Aziza, les makrouds et l’orgeat, la fumée du bhour et le rire des enfants. La fête de la démocratie mériterait pourtant une nouba inoubliable…
Dans le hall, un rayonnant jeune homme l’index bleu brandit comme E. T se fait photographier devant l’affiche des listes.
Je m’éloigne serein, léger, comme apaisé par l’initiation au rite désormais inscrit dans l’avenir de la Tunisie.
Pour finir le pèlerinage, j’entre chez un coiffeur comme il se doit.
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