lundi 28 avril 2014

"Marchand d'armes" deux lectures


Voici une singularité éditoriale rare: deux livres avec le même titre paraissant à dix ans d'intervalle. Le premier est passé inaperçu du grand public, le second ne sera pas un succès de librairie non plus, mais pas pour les mêmes raisons.

En 2003, Jean de Tonquedec signait en collaboration avec Jérôme Marchand chez Flammarion un ouvrage devenu un incunable du genre.
L'auteur, industriel de l'armement à la retraite, après avoir notamment dirigé un chantier naval et une entreprise d'infrastructures militaires, a rédigé un honnête retour d'expérience, expliquant par le menu les ficelles d'un métier méconnu. Du bel ouvrage didactique pour qui veut comprendre les mécanismes de l'espionnage et du contre-espionnage économique que d'autres nomment par ignorance « intelligence économique ». Dans le microcosme de l'armement, l'ouvrage avait surpris car l'ingénieur-écrivain brisait les tabous et les non-dits. Il mettait en doute la rentabilité économique des industries militaires et décortiquait avec précision et clarté les modes opératoires des transactions commerciales.
Dès sa parution, des huissiers furent dépêchés en hâte chez son éditeur. Mises en demeure, référés, procès... Le médiocre PGG d'une officine du Ministère de la Défense, s'estimant diffamé par la vérité sur l'affaire des Frégates s'est acharné. Alors la justice a broyé les chapitres. Le bouquin étouffé n'a jamais été réédité. Mais belle revanche, durant ces dix dernières années, tous les journalistes qui se sont penchés sur le sujet des ventes d'armes ont lu ou interviewé Jean de Tonquedec. Son traité est devenu la référence qui a permis aux néophytes de comprendre, pour briser les tabous et aider à percer le circuit des rétrocommissions.
« Marchand d'armes » par Jean de Tonquedec, c'est du sérieux.

Il y a quelques jours, sous le même titre Bernard Cheynel, un ancien intermédiaire en armement publie ses confessions avec la collaboration de Catherine Graciet au Seuil.
L'ex-marchand de canons met en scène avec truculence le roman de ses aventures. D'abord gigolo à Deauville, il approcha les milliardaires et les hommes politiques. Puis il fut le régisseur du hara normand d'Eddie Constantine le célèbre acteur de série B qui chantait « cigarette et whisky et p'tites pépées... » Le hasard des rencontres mondaines lui valut enfin d'être utilisé par les services secrets français pour tenter de percer la personnalité de quelques révolutionnaires iraniens. De fil en aiguille, il se spécialisa dans le lucratif commerce des armes.
Pour s'entremettre dans les affaires ses principaux arguments étaient ceux des jolies filles. Il avait compris que la plupart des acheteurs étrangers viennent à Paris pour réaliser leurs fantasmes avec des p'tites pépées. Alors, Bernard Cheynel jouait les James Bond dans les salons des palaces parisiens. Une kirielle de filles blondes, brunes et rousses pas trop farouches, champagne rosé et Rolls blanche...Les clients tombaient comme des mouches. Les industriels de l'armement et les fonctionnaires du ministère étaient plus réticents, mais les politiques raffolaient de la méthode.
L'ouvrage est léger. L'auteur-libertin-cabotin se pousse du col et cherche à se refaire une carrière sur le tard. Son exercice littéraire éclaire l'avant scène des transactions internationales d'un secteur qui était dominé par de fripons coureurs de jupons. C'était toute une époque !
« Marchand d'armes » de Bernard Cheynel, c'est pan pan cucul...

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