Voici
une singularité éditoriale rare: deux livres avec le même
titre paraissant à dix ans d'intervalle. Le premier est passé
inaperçu du grand public, le second ne sera pas un succès de
librairie non plus, mais pas pour les mêmes raisons.
En
2003, Jean de Tonquedec signait en collaboration avec Jérôme
Marchand chez Flammarion un ouvrage devenu un incunable du genre.
L'auteur,
industriel de l'armement à la retraite, après avoir notamment
dirigé un chantier naval et une entreprise d'infrastructures
militaires, a rédigé un honnête retour d'expérience, expliquant
par le menu les ficelles d'un métier méconnu. Du bel ouvrage
didactique pour qui veut comprendre les mécanismes de l'espionnage
et du contre-espionnage économique que d'autres nomment par
ignorance « intelligence économique ». Dans le
microcosme de l'armement, l'ouvrage avait surpris car
l'ingénieur-écrivain brisait les tabous et les non-dits.
Il mettait en doute la rentabilité économique des industries
militaires et décortiquait avec précision et clarté les modes
opératoires des transactions commerciales.
Dès
sa parution, des huissiers furent dépêchés en hâte chez son
éditeur. Mises en demeure, référés, procès... Le médiocre PGG
d'une officine du Ministère de la Défense, s'estimant diffamé par
la vérité sur l'affaire des Frégates s'est acharné. Alors la
justice a broyé les chapitres. Le bouquin étouffé n'a jamais été
réédité. Mais belle revanche, durant ces dix dernières années,
tous les journalistes qui se sont penchés sur le sujet des ventes
d'armes ont lu
ou
interviewé
Jean
de Tonquedec. Son traité est devenu la référence qui a permis aux
néophytes de comprendre, pour briser les tabous et aider à percer
le circuit des rétrocommissions.
« Marchand
d'armes » par Jean de Tonquedec, c'est du sérieux.
Il
y a quelques jours, sous le même titre Bernard Cheynel, un ancien
intermédiaire en armement publie ses confessions avec la
collaboration de Catherine Graciet au Seuil.
L'ex-marchand
de canons met en scène avec truculence le roman de ses aventures.
D'abord gigolo à Deauville, il approcha les milliardaires et les
hommes politiques. Puis il fut le régisseur du hara normand
d'Eddie Constantine le célèbre acteur de série B qui chantait
« cigarette et whisky et p'tites pépées... » Le hasard
des rencontres mondaines lui valut enfin d'être utilisé par
les services
secrets français pour tenter de percer la personnalité de quelques
révolutionnaires iraniens. De fil en aiguille, il se spécialisa
dans le lucratif commerce des armes.
Pour
s'entremettre dans les affaires ses principaux arguments étaient ceux des jolies filles. Il avait compris que la plupart des
acheteurs étrangers viennent à Paris pour réaliser leurs fantasmes
avec des p'tites pépées. Alors, Bernard Cheynel jouait les James
Bond dans les salons des palaces parisiens. Une kirielle de filles
blondes, brunes et rousses pas trop farouches, champagne rosé et
Rolls blanche...Les clients tombaient comme des mouches. Les
industriels de l'armement et les fonctionnaires du ministère étaient
plus réticents, mais les politiques raffolaient de la méthode.
L'ouvrage
est léger. L'auteur-libertin-cabotin se pousse du col et cherche à
se refaire une carrière sur le tard. Son exercice littéraire
éclaire l'avant scène des transactions internationales d'un secteur
qui était dominé par de fripons coureurs de jupons. C'était toute
une époque !
« Marchand
d'armes » de Bernard Cheynel, c'est pan pan cucul...
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