Salman
d'Arabie estive dans le pays de la Révolution et du roi tranché.
C'est extravagant et sans précédent.
Certes,
la famille royale possède depuis belle lurette un immense palais
très laid en front de mer sur la Côte d'Azur aux seins nus où de
temps en temps s'en allaient batifoler les marmailles princières.
Mais jamais aucun des monarques Saoudiens n'avait songé y
transporter sa cour. Ils s'en tenaient à leurs habitudes en Espagne,
au Maroc et exceptionnellement aux USA pour y soigner leur
cholestérol. Quelle mouche a donc piqué Salman pour aller
s'encanailler en terre de débauche républicaine ? L'affection
pour François Hollande y est sans doute pour beaucoup car si les
fils de Saoud ont toujours firté avec les Présidents français,
c'est la première fois que l'un d'entre eux découche dans un gîte
tenu par un mécréant, social-démocrate de surcroît.
On
chuchote que Salman, au fond de lui même, est un progressiste qui
souffre des souffrances qu'il inflige aux autres. Il voudrait arrêter
de bombarder le Yémen, désarmer les salafistes jihadistes de
mésopotamie d'Asie et d'Afrique, moderniser la charia, abolir la
peine de mort, libérer les esclaves, les femmes et les bloggeurs,
tendre la main aux chiites, promouvoir l'égalité....Bref, il
voudrait graver « liberté » sur son étendard aux côtés
de la chahada. Hélas, contrairement à l'adage « que veut le
roi le veut la loi », Salman n'est rien, il est nu, sans
constitution ni article 49-3. En écoutant ces boniments, le
Président Hollande - songeant au déficit de la France -, s'est
montré compatissant.
À
Vallauris, l'installation du monarque théocrate en grand équipage a
fait sensation. La presse a fait ses choux gras de la privatisation
d'un bac à sable, d'un ascenseur de plage, d'un sous-préfet bavard,
et d'une gendarmette sexy... Bouffonneries et arabophobies primaires
de journalistes à la ramasse. Loin des marronniers de saison une
autre lecture de chaise longue s'impose.
Salman
est un refugié climatique.
Que
l'on soit roi ou simple clampin, l'air des plaines d'Arabie est
irrespirable. À Riyad en été, jamais le thermomètre ne descend au
dessous de 40° . C'est pourquoi la noblesse et la bourgeoisie
prennent habituellement leurs quartiers dans les montagnes tempérées
de la région d'Abha. Mais depuis que l'Arabie fait la guerre au
Yémen voisin, il y pleut sporadiquement des missiles qui empêchent
de prendre le frais.
Voici
pourquoi cette année, la transumance estivale s'impose à
l'étranger.
Le
choix royal n'était pas simple.
En
raison de relations diplomatiques boudeuses, l'option d'une
villégiature aux USA était exclue. Celle du Royaume Uni a été
écartée car le Prince Charles s'obstine à vouloir enseigner à
Salman les principes fondamentaux des droits de l'Homme. Au surplus,
il réclame publiquement l'élargissement de Raif Badawi, un futur
prix Nobel de la paix qui croupit dans une cage saoudienne (God save
the Queen and the Prince).
Le
roi aurait aimé prendre le frais en Suède, au Danemark, aux Pays
Bas, voir même en Belgique pour une fois, ou en Espagne comme
d'habitude, mais ces monarchies progressistes sont elles aussi
devenues des insupportables donneuses de leçon.
Bien
vite, les chambellans chargés des vacances royales se sont rendu à
l'évidence que seules trois destinations restaient
diplomatico-compatibles : le Maroc fidèle et accueillant, la
Suisse bancable et discrète, la France magnanime et mercantile. La
Suisse a été éliminée au dernier moment en raison d'une chikaya
inopportune qui oppose deux Altesses Royales dans les prétoires de
la justice Helvète.
Voici
pourquoi le Gardien des deux Saintes Mosquées s'est posé à
Vallauris-Golfe-Juan pour y passer quelques jours avant de gagner
Tanger. Il est entouré de ses épouses, enfants grands et jeunes,
petits et arrières petits fils et filles aussi. Mille personnes
environ en comptant les courtisans et les serviteurs. Au menu de
la cour : le matin belote, jokari sur la terrasse ou sur le
pont du méga-yacht familial. Après-midi : promenades
flâneries, achats en ville de souvenirs en céramique, pétanque sur
la plage....Dîner intime de cent couverts au restaurant du coin
(bouillabaisse à la langouste, ganses niçoises et confitures,
Châteldon d'Auvergne à volonté). Soirées festives avec orchestres
et chanteurs célèbres. Il est également prévu une incertaine
visite incognito au musée Picasso pour méditer devant la fresque
« la Guerre et la Paix » peinte sur la voute d'une
chapelle (pas à vendre), qui représente la
guerre inhumaine à tête de fauve, portant sur son dos une hotte
pleine de crânes, brandissant un glaive ensanglanté ; elle
affronte l'homme de paix arborant la lance, la balance et le bouclier
blanc à colombe qui protège les blés.
En
somme, un programme de vacances ordinaire pour milliardaire
ordinaire.
La
quiétude des Altesses est parfois interrompue par quelques secrètes
audiences protocolaires. Car le roi a beau être en visite privée,
la courtoisie impose à tous les grands en camping sur la croisette
de venir le saluer. Chefs d'États étrangers et ministres de passage
font le pied de grue pour déposer leurs hommages. Le Président
Français n'est pas en reste, en hôte prévenant il s'enquière
d'heure en heure de l'humeur du royal touriste dont le séjour ne
doit souffrir d'aucune contrariété.
Car
Salman roi, l'homme le plus riche du monde est aussi un investisseur
avisé. Il y a quelques années, alors qu'il n'était que simple
prince prétendant, il avait savamment bétonné la Costa del Sol
entre Marbella et Estepona. On doit donc s'attendre à une flambée
des grosses affaires immobilières sur la Côte d'Azur car par
mimétisme, les courtisans fortunés vont par milliers se précipiter
pour y acheter un cabanon.
Les
dividendes du commerce extérieur seront pareillement à la mesure de
la faveur royale : gigantesques ! Ainsi, pour être
agréable au gardien des deux Saintes mosquées, les fonctionnaires
et les hommes d'affaires vont accorder leur préférence à la France
dans les compétitions commerciales. Les retombées pour les 4 000
exportateurs français des secteurs de l'armement, des transports, de
l'énergie, de la santé, de l'agroalimentaire... seront
incalculables, si toutefois ils prennent la peine d'aller remplir
leurs bons de commandes. Les professionnels jaugent que les ventes
françaises en Arabie pourraient doubler dans les douze mois à
venir, ce qui chiffre les retombées des vacances de Salman à 10
milliards d'euros au doigt mouillé.
Tout
le mérite en reviendra au Président de la République dont on
oublie qu'avant d'intégrer la promotion « Voltaire » à
l'ENA l'homme des compromis et de la synthèse était déjà diplômé
d'HEC, promotion « Picsou »
illustrations: Armand Goupil
illustrations: Armand Goupil
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