Le
11 septembre, 111 prieurs sont morts écrabouillés par une grue à
la grande mosquée de La Mecque. On pouvait s'attendre à ce que ce
fait divers restât sans résonance car les victimes étaient de
pauvres hères. C'était sans compter sur l'opinion publique de
l'Arabie et sur l'astucieux opportunisme des Altesses saoudiennes.
Le
plus lucratif chantier du monde
La
Mecque est l'endroit où chaque musulman désire par dessus tout se
réfugier ne serait-ce que le temps d'une prière une fois dans la
vie. Tous ne le peuvent pas. Il y a des quota et des contingences
financières. L'Arabie accorde les visas avec une relative
parcimonie. Sur un milliard et demi de musulmans, seulement quelques
petits millions saluent chaque année la pierre noire de la Kaaba.
Le
sanctuaire est situé à une heure d'autoroute de Jeddah la capitale
économique de l'Arabie. Des moyens de transports moderne et une
organisation sécuritaire et sanitaire hors normes assurent le flux
des réfugiés de la foi. Deux millions de le pèlerins sont attendus
à la fin du mois pour Hadj.
La
ville sainte est le premier spot touristique mondial, elle génère
des investissements colossaux et des dividendes mirobolants. Le prix
du mètre carré y est le plus élevé du monde, mieux que Broadway
ou les Champs Elysée. Les commerces offrent une lucrativité enviée
car la clientèle s'y presse 365 jours par an, 24 heures sur vingt
quatre. Tous les super marchés et les fast food de la ville oeuvrent
au rythme des appels à la prière de la mosquée al Haram :
sans interruption.
La
Mecque, c'est le chantier perpétuel, celui dont rêvent tous des
entrepreneurs. La dernière tranche de l'expansion de la grande
mosquée va coûter 20 milliards d'euros, elle a été attribuée
sans mise en concurrence au géant du BTP le Saudi Binladen Group
(SBG) qui dispose depuis 65 ans du monopole de la construction des
ouvrages publics de la ville sainte. Mohamed Ben Laden le fondateur
du groupe éponyme, un artisan maçon est arrivé en 1930 en Arabie
depuis son Yémen natal où il construisait des immeubles en pisé à
Tarim dans l'Hadramaout. Il a vite fait fortune avant d'aller reposer
en paix. Ses enfants (une cinquantaine) et petits enfants, devenus
pour certains ingénieurs et pour la plupart milliardaires, sont tous
restés d'une fidélité sans faille à la dynastie des Saoud tout
comme d'ailleurs à ses début, le plus célèbre d'entre eux :
Oussama.
En
Arabie, le nom de Ben Laden est surtout connu pour s'afficher sur les
palissades des chantiers. SBG est la plus grosse entreprise de
bâtiments et de travaux publics du pays. Elle emploie plusieurs
centaines de milliers d'ouvriers dont 40 mille rien que sur son
chantier de la mosquée de La Mecque. Que l'une de ses innombrables
grues chute par négligence et vent fort, n'est pas surprenant. Ce
qui l'est davantage c'est l'impact de ce fait divers sur les
imaginaires collectifs et sa récupération par le pouvoir saoudien.
Le
signe d'Allah
Les
numérologues ont relevé la coïncidence des dates avec le
douloureux attentat du World Trade Center de New York.
Les
facétieux (dont un sénateur français), ont relevé que Ben Laden
remettait le couvert en célébrant à sa façon l'anniversaire du
11/9.
« Donnez-nous
dit le peuple, un roi qui se remue.
« le
monarque des dieux leur envoie une grue,
« qui
les croque, qui les tue,
Jean
de La Fontaine (fabuliste devin)
En
Arabie et dans le monde des croyants il faut mesurer l'impact de cet
incroyable signe « divin ». Tout ce qui arrive au sein
des lieux saints est un message évident. Il faut imaginer dans la
France du Moyen-âge l'effroi qu'inspiraient l'incendie ou
l'éffondrement d'une église !
Le
climat de peur est d'autant plus grand que cet événement terrifiant
vient s'ajouter à la peur qu'inspire la mystérieuse « grippe
du chameau », le coronavirus MERS dont l'épidémie mortelle se
répand sournoisement dans le royaume.
Geste
auguste rarissime, le roi Salman en personne s'est déplacé au
chevet des blessés, il a ordonné le versement d'une indemnité de
200 mille euros aux familles des victimes et promis que les
responsables seraient châtiés.
Et
c'est ainsi que tous les membres du comité exécutif et les
directeurs de Saudi Binladen Group ont été interdits de sortie du
territoire. Cette mesure qui augure des incarcérations et la
faillite de l'entreprise met au ban du royaume une famille qui était
il y a six mois encore, l'une les plus puissantes du Moyen-Orient.
Pour
se faire une idée de l'énormité de la royale décision, c'est un
peu comme si Xavier Huillard ou Martin Bouygues se retrouvait en tôle
par la faute d'un grutier. En Arabie ne badine pas avec le droit du
travail !
L'ennemi
de l'intérieur et/est l'ennemi de l'Amérique
Le
nouveau souverain Salman, intronisé en janvier dernier a très vite
placé son jeune fils Mohamed en posture de vice-roi en lui confiant
la défense, le pétrole et l'économie du royaume. Il a écarté
sans trop de ménagement tous ses anciens rivaux et maltraité leurs
vassaux roturiers des affaires et de la finance.
Il
a en outre déclenché une expédition militaire pour asservir son
turbulent voisin le Yémen sur lequel il a déclenché un déluge
quotidien de missiles.
La
famille Ben Laden qui pèse 9 milliards de dollars est en raison de
son origine yéménite dans l'oeil du cyclone tout comme l'ensemble
de la diaspora qui compte plus d'un million de travailleurs en
Arabie.
En
s'attaquant aux Ben Laden, le roi met au pas les éventuels « ennemis
de l'intérieur » qui auraient le projet de secourir leur
frères restés au pays.
Il
accrédite également les suppositions de connexions persistantes
entre El Qaïda et et les habitants de la province Yéménite de
l'Hadramaout dont la capitale Mukallah est aux mains de la centrale
terroriste depuis trois mois sans que l'Arabie ait jamais osé la
bombarder.
Subsidiairement,
mais c'est évidement sans rapport aucun, la chute de la grue est
intervenue quelques jours après qu'un concurrent ait osé protester
publiquement contre le monopole de SGB à La Mecque. Des mauvaises
langues chuchotent que l'entreprise privée du Vice-Prince héritier
Mohamed Ben Salman sera le principal bénéficiaire de la faillite de
son rival.
En
résumé, le roi et son fils relaient le Tout Puissant en désignant
au peuple le mouton noir auteur de tous les malheurs du royaume.
Reste à deviner les limites de l'exercice et le nombre de têtes
qu'il faudra mettre sur le billot pour satisfaire la gronde populaire
qui sourde.
Au
plan international, la manœuvre du « nouveau Napoléon »
arabe pourrait se révéler très payante depuis sa réconciliation
spectaculaire avec Obama la semaine passée à Washington. Surtout si
elle débouche sur une mise en cause de la famille Ben Laden comme
étant collectivement responsable du 11/9. Un grand déballage
médiatique sur ce thème en Arabie et aux USA permettrait de mettre
en cause les liens très étroits de SBG avec les néoconservateurs ;
ce qui n'est pas rien en période d'élection aux USA. Et puis cette
affaire donnerait enfin satisfaction à l'opinion US qui réclame en
vain depuis quatorze ans, des coupables et des indemnisation pour les
victimes du 9/11.
« God bless America
» qui entendra le message d'Allah !
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