mercredi 16 septembre 2015

La chute de l'empire Ben Laden


Le 11 septembre, 111 prieurs sont morts écrabouillés par une grue à la grande mosquée de La Mecque. On pouvait s'attendre à ce que ce fait divers restât sans résonance car les victimes étaient de pauvres hères. C'était sans compter sur l'opinion publique de l'Arabie et sur l'astucieux opportunisme des Altesses saoudiennes.


Le plus lucratif chantier du monde
La Mecque est l'endroit où chaque musulman désire par dessus tout se réfugier ne serait-ce que le temps d'une prière une fois dans la vie. Tous ne le peuvent pas. Il y a des quota et des contingences financières. L'Arabie accorde les visas avec une relative parcimonie. Sur un milliard et demi de musulmans, seulement quelques petits millions saluent chaque année la pierre noire de la Kaaba.
Le sanctuaire est situé à une heure d'autoroute de Jeddah la capitale économique de l'Arabie. Des moyens de transports moderne et une organisation sécuritaire et sanitaire hors normes assurent le flux des réfugiés de la foi. Deux millions de le pèlerins sont attendus à la fin du mois pour Hadj.
La ville sainte est le premier spot touristique mondial, elle génère des investissements colossaux et des dividendes mirobolants. Le prix du mètre carré y est le plus élevé du monde, mieux que Broadway ou les Champs Elysée. Les commerces offrent une lucrativité enviée car la clientèle s'y presse 365 jours par an, 24 heures sur vingt quatre. Tous les super marchés et les fast food de la ville oeuvrent au rythme des appels à la prière de la mosquée al Haram : sans interruption.

La Mecque, c'est le chantier perpétuel, celui dont rêvent tous des entrepreneurs. La dernière tranche de l'expansion de la grande mosquée va coûter 20 milliards d'euros, elle a été attribuée sans mise en concurrence au géant du BTP le Saudi Binladen Group (SBG) qui dispose depuis 65 ans du monopole de la construction des ouvrages publics de la ville sainte. Mohamed Ben Laden le fondateur du groupe éponyme, un artisan maçon est arrivé en 1930 en Arabie depuis son Yémen natal où il construisait des immeubles en pisé à Tarim dans l'Hadramaout. Il a vite fait fortune avant d'aller reposer en paix. Ses enfants (une cinquantaine) et petits enfants, devenus pour certains ingénieurs et pour la plupart milliardaires, sont tous restés d'une fidélité sans faille à la dynastie des Saoud tout comme d'ailleurs à ses début, le plus célèbre d'entre eux : Oussama.
En Arabie, le nom de Ben Laden est surtout connu pour s'afficher sur les palissades des chantiers. SBG est la plus grosse entreprise de bâtiments et de travaux publics du pays. Elle emploie plusieurs centaines de milliers d'ouvriers dont 40 mille rien que sur son chantier de la mosquée de La Mecque. Que l'une de ses innombrables grues chute par négligence et vent fort, n'est pas surprenant. Ce qui l'est davantage c'est l'impact de ce fait divers sur les imaginaires collectifs et sa récupération par le pouvoir saoudien.

Le signe d'Allah
Les numérologues ont relevé la coïncidence des dates avec le douloureux attentat du World Trade Center de New York.
Les facétieux (dont un sénateur français), ont relevé que Ben Laden remettait le couvert en célébrant à sa façon l'anniversaire du 11/9.

« Donnez-nous dit le peuple, un roi qui se remue.
« le monarque des dieux leur envoie une grue,
« qui les croque, qui les tue,
Jean de La Fontaine (fabuliste devin)

En Arabie et dans le monde des croyants il faut mesurer l'impact de cet incroyable signe « divin ». Tout ce qui arrive au sein des lieux saints est un message évident. Il faut imaginer dans la France du Moyen-âge l'effroi qu'inspiraient l'incendie ou l'éffondrement d'une église !
Le climat de peur est d'autant plus grand que cet événement terrifiant vient s'ajouter à la peur qu'inspire la mystérieuse « grippe du chameau », le coronavirus MERS dont l'épidémie mortelle se répand sournoisement dans le royaume.

Geste auguste rarissime, le roi Salman en personne s'est déplacé au chevet des blessés, il a ordonné le versement d'une indemnité de 200 mille euros aux familles des victimes et promis que les responsables seraient châtiés.

Et c'est ainsi que tous les membres du comité exécutif et les directeurs de Saudi Binladen Group ont été interdits de sortie du territoire. Cette mesure qui augure des incarcérations et la faillite de l'entreprise met au ban du royaume une famille qui était il y a six mois encore, l'une les plus puissantes du Moyen-Orient.
Pour se faire une idée de l'énormité de la royale décision, c'est un peu comme si Xavier Huillard ou Martin Bouygues se retrouvait en tôle par la faute d'un grutier. En Arabie ne badine pas avec le droit du travail !

L'ennemi de l'intérieur et/est l'ennemi de l'Amérique
Le nouveau souverain Salman, intronisé en janvier dernier a très vite placé son jeune fils Mohamed en posture de vice-roi en lui confiant la défense, le pétrole et l'économie du royaume. Il a écarté sans trop de ménagement tous ses anciens rivaux et maltraité leurs vassaux roturiers des affaires et de la finance.
Il a en outre déclenché une expédition militaire pour asservir son turbulent voisin le Yémen sur lequel il a déclenché un déluge quotidien de missiles.
La famille Ben Laden qui pèse 9 milliards de dollars est en raison de son origine yéménite dans l'oeil du cyclone tout comme l'ensemble de la diaspora qui compte plus d'un million de travailleurs en Arabie.
En s'attaquant aux Ben Laden, le roi met au pas les éventuels « ennemis de l'intérieur » qui auraient le projet de secourir leur frères restés au pays.
Il accrédite également les suppositions de connexions persistantes entre El Qaïda et et les habitants de la province Yéménite de l'Hadramaout dont la capitale Mukallah est aux mains de la centrale terroriste depuis trois mois sans que l'Arabie ait jamais osé la bombarder.
Subsidiairement, mais c'est évidement sans rapport aucun, la chute de la grue est intervenue quelques jours après qu'un concurrent ait osé protester publiquement contre le monopole de SGB à La Mecque. Des mauvaises langues chuchotent que l'entreprise privée du Vice-Prince héritier Mohamed Ben Salman sera le principal bénéficiaire de la faillite de son rival.
En résumé, le roi et son fils relaient le Tout Puissant en désignant au peuple le mouton noir auteur de tous les malheurs du royaume. Reste à deviner les limites de l'exercice et le nombre de têtes qu'il faudra mettre sur le billot pour satisfaire la gronde populaire qui sourde.

Au plan international, la manœuvre du « nouveau Napoléon » arabe pourrait se révéler très payante depuis sa réconciliation spectaculaire avec Obama la semaine passée à Washington. Surtout si elle débouche sur une mise en cause de la famille Ben Laden comme étant collectivement responsable du 11/9. Un grand déballage médiatique sur ce thème en Arabie et aux USA permettrait de mettre en cause les liens très étroits de SBG avec les néoconservateurs ; ce qui n'est pas rien en période d'élection aux USA. Et puis cette affaire donnerait enfin satisfaction à l'opinion US qui réclame en vain depuis quatorze ans, des coupables et des indemnisation pour les victimes du 9/11.

« God bless America  » qui entendra le message d'Allah !

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