De
mémoire de musulmans jamais autant de signes
funestes ne s'étaient accumulés en si peu de temps.
En
Arabie, cœur de l'islam, rien n'est profane tout est sacré. La vie
n'est que prières à Allah pour l'assister dans son combat contre le
diable. On se prosterne et on l'implore pour toutes raisons ;
même pour la pluie et le mauvais temps. Si la tempête se lève,
gronde et emporte quelques âmes vers les cieux : Allah a voulu
donner un avertissement aux mortels pêcheurs. Rien n'est hasard tout
est ordonné par le très haut.
Le
moindre événement
anodin est interprété comme l'expression du divin.
C'est
dans cet état d'esprit qu'il faut appréhender les séquences
répétitives de l'actualité tragique du hadj de cette année 1436
où 2,5 millions de musulmans ont pu accomplir
le pèlerinage dont le rite est un des cinq commandements de l'islam.
Le
Hadj noir
Le
11 septembre, comme pour marquer le tragique anniversaire des tours
jumelles de New York, une grue de chantier appartenant à
l'entreprise Saudi Binladen Group s'effondre : 111 morts.
Le
20 septembre à Jamarat, durant le rituel de la lapidation
de satan les foules se télescopent. Bilan : 3, 4, 5 mille
victimes ? Beaucoup moins selon la police. Qui le saura jamais ?
La plupart ont été inhumées en odeur de sainteté le jour même.
Victimes étouffées, piétinées, écrabouillées. Enfants, femmes,
handicapés entremêlés...Les plus forts ont survécu, les plus
faibles ont été broyés par le troupeau humain compacté à 7
bipèdes au mètre carré. Atroces destinés mais paradis d'Allah
assurés.
Nul n'est responsable « Le
sort et le destin sont inévitables »
a déclaré le mufti du royaume au Prince-ministre de l'intérieur,
grand maître de l'organisation du Hadj.
Puis
la politique a récupéré la tragédie et cherché les coupables.
Des
experts arabo-saxons ont accrédité la thèse de l'incompétence, accusant un convoi militaire d'avoir dégagé une route réservée à
la plèbe piétonne et fermé deux voies de secours pour que le
Prince Ben Salman, fils du roi puisse accéder au plus vite à ses
dévotions.
Cette
médisante supposition a immédiatement été balayée par un très
officiel communiqué accusant un mouvement orchestré par une troupe
de pèlerins iraniens chargés de semer la zizanie. L'évidente
providence les désigne en effet coupables puisque 463 d'entre eux
ont péri ; sans doute pour inciter par l'exemple les autres
centaines de piétinés d'une vingtaine de nationalités.
Enfin,
le 28 septembre, pour parachever le cycle des indices néfastes du
premier pèlerinage du règne du nouveau Serviteur
des deux Saintes Mosquées, une
éclipse a rougi le ciel de l'aube au dessus de la kaaba devant la
foule de fidèles apeurés. Car la lune qui porte le nom de la 54 ème
sourate du Coran est l'astre divinatoire. La superposition des deux
lunes « al qamareyni » évoque les deux saintes
prédictions « Dieu
sème la crainte parmi ses adorateurs » et « l'Heure
approche, car la lune se fend » que
les dévots
n'ont pas fini de méditer dans toutes les mosquées du royaume des
ténèbres.
Satan
est chiite
À
ces manifestations du courroux divin il fallait désigner un bouc
émissaire. Aujourd'hui, en Arabie islamiste, l'ennemi n'est plus le
juif, ni le chrétien, pas même le mécréant. Non, le seul et
unique pourvoyeur de malheurs des salafistes est le chiite.
Pourtant,
tout comme le sunnite, le chiite est musulman. Il partage le même
Coran, les mêmes lois, les mêmes observances, les mêmes
sacrements. Certes, mais il a dévié. On le distingue clairement en
tendant l'oreille lorsqu'il murmure sa profession de foi.
C'est une
histoire de calife qui voulait devenir calife à la place du calife
il y a mille quatre cents ans. Une querelle pour l'héritage du
prophète sur fond de liens du sol et liens du sang. Toujours est-il
que depuis l'assassinat d'Ali le cousin et gendre de Mohamed en 661
le sang des musulmans coule encore.
Cette
politique de diabolisation marque la faiblesse de la
dynastie des Saoud qui est à bout de souffle.
De
toutes les monarchies absolues, elle est la seule qui ne se soit pas
ouverte aux réalités
du monde de l'information et à l'accès à la connaissance.
L'obscurantisme
est toujours méthodiquement enseigné dans les écoles dont certains
maîtres nient encore la rotondité de la terre et considèrent que
le voyage dans la lune est une diabolique supercherie
cinématographique tournée dans les studios de Hollywood. Le
wahhabisme insensé ordonne que l'horloge de la pensée reste
immuablement figée à la date de la mort de Mohamed : en 632.
Mais les smartphones et les tablettes numériques rendent impossible
le maintien de toute une population dans les ténèbres du passé. Le
monarque est bien plus isolé que ne l'était le dernier roi de
France.
La
guerre des wahhabites
Pour
tenter de reconquérir la légitimité de son pouvoir, la maison des
Saoud a délaissé la voie de la réforme et choisi celle de la
guerre contre son voisin le Yémen, bouc émissaire innocent et
misérable, première victime de l'offensive contre les chiites.
L'occident
n'y voit pas d'inconvénient car il y a infiniment plus de pétrole
chez les islamistes monarchistes que chez les islamistes
républicains. De surcroît, les chiites sont une poignée en Arabie
et dans les Emirats, quelques uns au Liban, plus nombreux au Yémen,
majoritaires en Iran, mais en tout, ils ne représentent que quinze pour cent des
fidèles de l'islam.
Il est inutile de préciser que cette
extravagante croisade contre les chouans d'Orient, résurgence d'une
guerre médiévale entre caravaniers est désapprouvée par la
majorité de l'oumma de Dunkerque à Djakarta.
C'est
une opération intérieure.
Le roi stigmatise en espérant le
rassemblement autour de la haine de l'autre. Le sang alimente la
peur. Chaque semaine, on découpe la tête de quelques criminels et
autres mal pensants.
La
communauté internationale est indifférente à ces abominations.
Elle proteste mollement car la priorité est donnée aux décapités
de l'État Islamique et aux victimes de Bachar. Comble de cynisme,
elle a même hissé (la France pareillement consentante) le royaume
wahhabite à la présidence du comité des droits de l'homme à
l'ONU. Les massacres de Yéménites par milliers ne seront jamais des
crimes contre l'humanité.
La
révolte des Princes
Le
dernier espoir est celui d'un sursaut de la société civile. Mais en
Arabie elle est à bout de souffle, l'inquisition veille. Les
suspects de déviationnisme sont encagés par dizaines de milliers.
La mauvaise pensée affichée est un crime. Il n'est pas de jour sans
que le récit des brutalités de la police religieuse ne soit
rapporté.
Reste
internet, petite lucarne de lumière que l'appareil répressif
s'acharne à occulter. L'argent est tellement puissant ! Tous les
blogs des démocrates saoudiens se taisent, vaincus les uns après
les autres. La semaine dernière, le compte Twitter de Mujtahidd - deux
millions d'abonnés pour des informations puisées aux meilleures sources - révélaient
que la cour du roi Salman était une pétaudière et que les
incartades de son fils, Mohamed ministre de la guerre et du pétrole
conduisaient le pays à sa perte. Pire, l'un des illustres
descendants du fondateur de la dynastie a publié deux lettres
ouvertes fustigeant le régime et contestant la légitimité du roi.
Cette minorité d'altesses constitue l'avant garde de la noblesse qui pourrait bien conduire à une révolution de palais.
Si Allah le veut !
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