dimanche 4 octobre 2015

Malédictions en cascade sur l'Arabie Saoudite




De mémoire de musulmans jamais autant de signes funestes ne s'étaient accumulés en si peu de temps.

En Arabie, cœur de l'islam, rien n'est profane tout est sacré. La vie n'est que prières à Allah pour l'assister dans son combat contre le diable. On se prosterne et on l'implore pour toutes raisons ; même pour la pluie et le mauvais temps. Si la tempête se lève, gronde et emporte quelques âmes vers les cieux : Allah a voulu donner un avertissement aux mortels pêcheurs. Rien n'est hasard tout est ordonné par le très haut.
Le moindre événement anodin est interprété comme l'expression du divin.
C'est dans cet état d'esprit qu'il faut appréhender les séquences répétitives de l'actualité tragique du hadj de cette année 1436 où 2,5 millions de musulmans ont pu accomplir le pèlerinage dont le rite est un des cinq commandements de l'islam.

Le Hadj noir
Le 11 septembre, comme pour marquer le tragique anniversaire des tours jumelles de New York, une grue de chantier appartenant à l'entreprise Saudi Binladen Group s'effondre : 111 morts.

Le 20 septembre à Jamarat, durant le rituel de la lapidation de satan les foules se télescopent. Bilan : 3, 4, 5 mille victimes ? Beaucoup moins selon la police. Qui le saura jamais ? La plupart ont été inhumées en odeur de sainteté le jour même. Victimes étouffées, piétinées, écrabouillées. Enfants, femmes, handicapés entremêlés...Les plus forts ont survécu, les plus faibles ont été broyés par le troupeau humain compacté à 7 bipèdes au mètre carré. Atroces destinés mais paradis d'Allah assurés. Nul n'est responsable « Le sort et le destin sont inévitables » a déclaré le mufti du royaume au Prince-ministre de l'intérieur, grand maître de l'organisation du Hadj.
Puis la politique a récupéré la tragédie et cherché les coupables.
Des experts arabo-saxons ont accrédité la thèse de l'incompétence, accusant un convoi militaire d'avoir dégagé une route réservée à la plèbe piétonne et fermé deux voies de secours pour que le Prince Ben Salman, fils du roi puisse accéder au plus vite à ses dévotions.
Cette médisante supposition a immédiatement été balayée par un très officiel communiqué accusant un mouvement orchestré par une troupe de pèlerins iraniens chargés de semer la zizanie. L'évidente providence les désigne en effet coupables puisque 463 d'entre eux ont péri ; sans doute pour inciter par l'exemple les autres centaines de piétinés d'une vingtaine de nationalités.

Enfin, le 28 septembre, pour parachever le cycle des indices néfastes du premier pèlerinage du règne du nouveau Serviteur des deux Saintes Mosquées, une éclipse a rougi le ciel de l'aube au dessus de la kaaba devant la foule de fidèles apeurés. Car la lune qui porte le nom de la 54 ème sourate du Coran est l'astre divinatoire. La superposition des deux lunes « al qamareyni » évoque les deux saintes prédictions « Dieu sème la crainte parmi ses adorateurs » et « l'Heure approche, car la lune se fend » que les dévots n'ont pas fini de méditer dans toutes les mosquées du royaume des ténèbres.

Satan est chiite
À ces manifestations du courroux divin il fallait désigner un bouc émissaire. Aujourd'hui, en Arabie islamiste, l'ennemi n'est plus le juif, ni le chrétien, pas même le mécréant. Non, le seul et unique pourvoyeur de malheurs des salafistes est le chiite.
Pourtant, tout comme le sunnite, le chiite est musulman. Il partage le même Coran, les mêmes lois, les mêmes observances, les mêmes sacrements. Certes, mais il a dévié. On le distingue clairement en tendant l'oreille lorsqu'il murmure sa profession de foi. 
C'est une histoire de calife qui voulait devenir calife à la place du calife il y a mille quatre cents ans. Une querelle pour l'héritage du prophète sur fond de liens du sol et liens du sang. Toujours est-il que depuis l'assassinat d'Ali le cousin et gendre de Mohamed en 661 le sang des musulmans coule encore.

Cette politique de diabolisation marque la faiblesse de la dynastie des Saoud qui est à bout de souffle.
De toutes les monarchies absolues, elle est la seule qui ne se soit pas ouverte aux réalités du monde de l'information et à l'accès à la connaissance. L'obscurantisme est toujours méthodiquement enseigné dans les écoles dont certains maîtres nient encore la rotondité de la terre et considèrent que le voyage dans la lune est une diabolique supercherie cinématographique tournée dans les studios de Hollywood. Le wahhabisme insensé ordonne que l'horloge de la pensée reste immuablement figée à la date de la mort de Mohamed : en 632. Mais les smartphones et les tablettes numériques rendent impossible le maintien de toute une population dans les ténèbres du passé. Le monarque est bien plus isolé que ne l'était le dernier roi de France.

La guerre des wahhabites
Pour tenter de reconquérir la légitimité de son pouvoir, la maison des Saoud a délaissé la voie de la réforme et choisi celle de la guerre contre son voisin le Yémen, bouc émissaire innocent et misérable, première victime de l'offensive contre les chiites.
L'occident n'y voit pas d'inconvénient car il y a infiniment plus de pétrole chez les islamistes monarchistes que chez les islamistes républicains. De surcroît, les chiites sont une poignée en Arabie et dans les Emirats, quelques uns au Liban, plus nombreux au Yémen, majoritaires en Iran, mais en tout, ils ne représentent que quinze pour cent des fidèles de l'islam. 
Il est inutile de préciser que cette extravagante croisade contre les chouans d'Orient, résurgence d'une guerre médiévale entre caravaniers est désapprouvée par la majorité de l'oumma de Dunkerque à Djakarta.
C'est une opération intérieure. 
Le roi stigmatise en espérant le rassemblement autour de la haine de l'autre. Le sang alimente la peur. Chaque semaine, on découpe la tête de quelques criminels et autres mal pensants.
La communauté internationale est indifférente à ces abominations. Elle proteste mollement car la priorité est donnée aux décapités de l'État Islamique et aux victimes de Bachar. Comble de cynisme, elle a même hissé (la France pareillement consentante) le royaume wahhabite à la présidence du comité des droits de l'homme à l'ONU. Les massacres de Yéménites par milliers ne seront jamais des crimes contre l'humanité.

La révolte des Princes
Le dernier espoir est celui d'un sursaut de la société civile. Mais en Arabie elle est à bout de souffle, l'inquisition veille. Les suspects de déviationnisme sont encagés par dizaines de milliers. La mauvaise pensée affichée est un crime. Il n'est pas de jour sans que le récit des brutalités de la police religieuse ne soit rapporté.
Reste internet, petite lucarne de lumière que l'appareil répressif s'acharne à occulter. L'argent est tellement puissant ! Tous les blogs des démocrates saoudiens se taisent, vaincus les uns après les autres. La semaine dernière, le compte Twitter de Mujtahidd - deux millions d'abonnés pour des informations puisées aux meilleures sources - révélaient que la cour du roi Salman était une pétaudière et que les incartades de son fils, Mohamed ministre de la guerre et du pétrole conduisaient le pays à sa perte. Pire, l'un des illustres descendants du fondateur de la dynastie a publié deux lettres ouvertes fustigeant le régime et contestant la légitimité du roi.

Parmi les 7 000 princes et princesses, tous ne sont pas des jouisseurs analphabètes dépravés, beaucoup d'entres eux, jeunes diplômés progressistes partagent les valeurs humanistes et s'insurgent contre la barbarie. Ils estiment que le temps de la réforme est venu et qu'une évolution de la monarchie à l'exemple du Maroc et de la Jordanie est une condition de leur survie.
Cette minorité d'altesses constitue l'avant garde de la noblesse qui pourrait bien conduire à une révolution de palais.
Si Allah le veut !

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