Les
lettrés et les historiens connaissent la Chanson de Roland dont
l'épée Durandal au pommeau d'or renfermant des saintes reliques
faillit être emportée par un Sarrasin à Roncevaux le 15 août 778.
Ce poème épique sublime de 4000 vers s'achève lorsque le Comte de
Bretagne battant sa coulpe, offrit à Dieu son gant droit.
Son
destre guant a Dieu en porofrit,
que
les incrédules interprètent comme une allégorie de la main tendue,
geste vieux comme le monde qui scelle la communion entre hominidés.
La
refuser est une insulte réservée aux malotrus.
Les
mauvaises manières protocolaires
En
2012,
Manuel
Valls alors ministre de l'Intérieur ne prit pas
la peine d'allonger le bras depuis la seconde rangée des bancs de
l'Assemblée Nationale pour saisir la main que lui tendait le
Président de la République Tunisienne Moncef Marzouki en visite
officielle à Paris.
Plus récemment, un syndicaliste en colère
ignora la main tendue
du
Président Hollande.
Comme
dans la vie courante, le toucher
de
main est en diplomatie un exercice réglementé.
Interminable
sur le perron de l'Elysée et devant la Maison Blanche, furtif dans
les couloirs de l'ONU, parfois carrément évité grâce aux portes
dérobées. Il y a même des sommets où les chefs d'État, ayant
posé en assemblée devant la caméra, jurent de ne jamais s'être
étreint les paumes. Ce fut
le cas au Caire entre les Présidents français et soudanais que le
paravent Al Sissi séparait.
Mais
entre secouer chaleureusement et dédaigner ostensiblement, il y a
toute une échelle de nuances. Le topé, le furtif, l'accompagné de
la gauche, le grattouillé, l'enveloppé, le pincé mou du bout des
phalanges, le vigoureux à faire plier les genoux.... avec le regard
droit, appuyé, absent, clignant, détourné, en coin...la mine grave
ou rigolarde, le menton en l'air ou la tête inclinée. Tout un art
de la communication ! Dans les Académies
diplomatiques,
on enseigne les mille façons de se réchauffer les menottes. Mais
attention ! Ignorer la main qui se tend pourra être interprété
comme une déclaration d'hostilités tout comme le soufflet, le
crachat et le mot de cinq lettres.
Pour
éviter les attouchements compromettants nos plénipotentiaires ont
pris l'habitude de détaler à la première contrariété. Les
chancelleries du Yémen, Syrie, Libye sont closes jusqu'à nouvel
ordre, d'autres sont entre-baillées par intermittence au gré des
événements.
Il est loin le temps où la France de Mitterrand se distinguait par
l'ouverture avec panache d'une ambassade à Sarajevo sous le feu des
mortiers ! Même dans les capitales moins périlleuses, les
diplomates boudent régulièrement et ostensiblement. À la longue,
Téhéran, Moscou, Rabat et même le Vatican se sont habitués.
Le
quai d'Orsay surveille l'hygiène des mains, celles d'Arabie sont
immaculées, celles de Mésopotamie sont infectées. Sa doctrine est
finalement moins conciliante que celle du chaudronnier de la CGT qui
décline le toucher rituel avec Hollande mais accepte la discussion
et réclame haut et fort le dialogue.
Dialogue !
La diplomatie française semble détester ce mot décliné de la
judéo-chrétienté
qui implique - en rencontre ou en séparation - une poignée de main
ou à la rigueur une inclination du buste façon Japon.
Cette
politique intransigeante calquée sur la posture arrogante de la
droite israélienne est intenable car sans dialogue, il n'y a ni vie,
ni survie. Refuser d'échanger avec son ennemi est une absurdité.
Discuter n'est pas adhérer. Le flic qui parlait à Merah avant de
donner l'assaut n'était pas sous la menace contagieuse d'une
conversion. Négocier avec l'adversaire n'est pas se soumettre, c'est
la façon d'éviter que le pire s'additionne au tragique.
La
diplomatie mercantile
Elle
est assumée par Laurent Fabius qui déclare devant le Sénat :
« La
diplomatie économique est maintenant une des priorités acquise
de la diplomatie »
Elle
consiste à sélectionner ses interlocuteurs en fonction de leur
solvabilité et des intérêts commerciaux. C'est sans précédent
dans les annales diplomatiques où rarement la doctrine de
l'enrichissement n'a autant supplantée celle des valeurs humanistes
du maintien de la paix dans la sécurité internationale.
L'exemple
de l'Arabie Saoudite est édifiant. Depuis que la maison des Saoud
s'est ultra radicalisée ce pays est quasiment au ban de la
communauté internationale. Même ses plus ardents soutiens
historiques comme les USA et le Pakistan prennent discrètement leurs
distances. Alors fort opportunément, Paris s'est engouffré dans la
brèche et marchande son label Droit de l'hommiste. C'est navrant car
le régime du roi Salman n'a rien à envier à celui du Calife de
Daech. À Riyad comme à Mossoul, on tranche les têtes, on nie
l'identité de la femme, on impose l'islam et sa pratique par le
fouet, on fustige les juifs, on persécute les chiites, on bombarde
impunément le Yémen voisin, on détruit les vestiges de l'histoire
y compris ceux du prophète !
L'hebdomadaire
Marianne titrait récemment en couverture: " L'Arabie
Saoudite islamique".
Nul n'a contesté cette appellation évidente de Martine Gozlan qui
relevait en pages intérieures les troublantes similitudes entre des
deux dictatures.
Le
gouvernement ne semble pas s'en émouvoir.
Pour
Laurent Fabius, l'Arabie ne constitue aucunement une menace à court
ou long terme ni pour la France....ni pour Israël, alors que son
avatar suscite de grandes frayeurs : « Nous
alertons même sur le risque qui paraît lointain mais qui ne l’est
peut-être pas que Daech puisse même à un moment s’accaparer la
cause palestinienne » No
comment.
À
Riyad la semaine passée la Françarabie avait mis les petits plats
dans les grands. Le grand Chef étoilé venu tout spécialement de
Paris s'est surpassé malgré l'absence de sommelier. Avant le
banquet et devant un parterre d'hommes d'affaires, le Premier
Ministre Manuel Valls avait incité les
Saoudiens
à investir en France, pays champion de la productivité où la
chienlit ne passera pas. Le hasard faisant bien les choses, les
syndicalistes de la CGT lapideurs de chemise qui avaient terni
l'image d'Air France venaient d'être interpellés
dès
potron-minet. Cette manifestation de fermeté de l'autorité
judiciaire indépendante a été appréciée par tous les membres du
très influent Conseil d'Affaires Franco Saoudien que son Président,
le talentueux juriste et historien francophone Mohamed Ben Laden
avait rassemblé en grand nombre pour l'occasion.
Cette
amitié d'affaire sincère est nécessaire nous dit-on car elle porte
l'espoir d'un demi point de croissance et surtout, d'emplois par
milliers si les promesses de milliards se concrétisent. Elle
enchante le patronat qui saura s'en souvenir car il est désormais
illusoire d'espérer qu'Alain Juppé puisse jamais faire mieux.
Aujourd'hui,
la compassion, le partage et la charité sont des valeurs hors de
prix.
Refuser
de vendre des armes à l'Arabie, ouvrir les bras aux réfugiés par
millions sont des luxes insensés que seuls les Suédois et les
Allemands peuvent s'offrir !
En
somme, le gouvernement commerce avec le diable pour « être en
capacité » de tendre la main à la misère du monde de demain.
C'est
pourquoi pour le moment, il reste sourd aux appels de l'olifant.
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