Laissons
les survivants enterrer les morts. Observons le silence. À
l'abomination n'ajoutons pas l'indécence des mots.
Mais
se taire est suspect. L'indignation bruyante est de mise. Pour
autant, faut-il se précipiter à la chasse aux boucs émissaires et
nourrir des polémiques ?
Avant
de balayer devant notre porte en dénonçant nos faiblesses,
dressons le bilan de nos forces.
François
Hollande s'est révélé chef d'État. Qui mieux que lui en ces
circonstances aurait été capable de gérer la sidération
nationale ? Partout présent, il a été irréprochable.
À
aucun moment le pouvoir n'a donné l'impression de vaciller. Nulle
hésitation, nulle
précipitation, nul excès. La police a bien fait son boulot, sapeurs
pompiers et hôpitaux se sont dévoués dans la grandeur de leurs
traditions. Partout, malgré les coups, l'État est resté digne. Le
peuple de Paris aussi.
À
l'étranger,
l'événement
a vite pris une dimension planétaire éclipsant toutes les autres
horreurs du moment.
Après
le 11/09, le 13/11 marque le second jalon spectaculaire de cette
première guerre asymétrique du 21ème siècle dont on peut craindre
qu'elle dure cent ans. Bien sûr,
il y eut entretemps des milliers d'attentats tout aussi abondants
en perte de sang mais médiatiquement bien moins compatissants
:
Beyrouth, Bamako, Ankara, Tripoli, Karachi, Tunis, Mogadisco, Bombay,
Sanaa, Bagdad...litanie sans fin des villes terrorisées.
Mais
Paris la singulière est différente. C'est la capitale de la douce
France, le jardin d'attraction de la terre entière.
Tous
les routards savent comment illuminer le regard de leurs hôtes au
bout du monde : il suffit d'évoquer Paris. Alors, l'étranger
parle de Napoléon, de Pasteur, de Voltaire, de
De Gaulle,
Bardot, Zidane...la liste anachronique des références s'égraine au
gré des rencontres du voyageur français. Ah ! Paris !
La tour Eiffel, les Champs Élysées, Pigalle...Paris qui sent le 5
de Channel au passage des élégantes à la terrasse des bistrots.
Tous
ces clichés hantent les rêves délicieux des amoureux de la vie que
le destin a fait
naître
dans des contrées moins radieuses. Que l'on touche à Paris
et le monde se met en colère !
Ainsi,
dans toutes les capitales civilisées on a spontanément entonné la
Marseillaise en lever de rideaux, paré de tricolore les monuments et
scandé la devise Liberté, Égalité, Fraternité.
Cette
triple trilogie symphonique, chromatique et incantatoire est
désormais la réponse aux assassins qui blasphèment en hurlant
« Allah akbar ».
L'indignation
arabe n'a pas été à la hauteur de l'évènement. Elle est certes
habituée à pire depuis si longtemps. Diplomatiquement, les
dirigeants ont fermement exprimé leur « rejet
catégorique de toute forme de violence ou de terrorisme .... d'où
qu'elle vienne».
C'est insuffisant.
Aucun
chef d'État arabe n'a vraiment marqué sa solidarité d'un geste
fort. Seul le roi Mohamed VI du Maroc, en ordonnant à ses services
de renseignements de coopérer immédiatement avec Paris, a mis son
mouchoir sur sa rancoeur. Le Commandeur des croyants s'est montré le
digne petit-fils d'un Compagnon de la Libération.
Dans
l'hexagone, les porte-paroles
de la représentation des musulmans de France se sont astreint au
service protocolaire de circonstance en diffusant le message
copié-collé utilisé pour Merah-Charlie-Gourdel. C'est pareillement
insuffisant.
Sous
l'oeil des caméras, le recteur de la Grande Mosquée de Paris
confortablement calé dans un large fauteuil placé au centre d'une
salle de prière déserte a débité quelques paroles vite emportées
par le vent. Plus tard, face à une journaliste de CNN ébahi il a
insisté sur la nécessité d'envoyer des fantassins contre le
Calife de Mossoul.
L'islam
de France est pris de court. Les fidèles sourdent de rage et
d'impuissance, beaucoup se sentent coupables d'avoir enfanté des
monstres qui dévorent leurs parents. Désemparés ils s'en remettent
à la République pour sauver leur religion.
Vendredi
prochain un hommage national sera rendu aux victimes. Les croyants
auront-ils ce jour là l'audace salvatrice de draper tous les
minarets de France de bleu, de blanc et de rouge ?
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