dimanche 22 novembre 2015

Le minaret tricolore


Laissons les survivants enterrer les morts. Observons le silence. À l'abomination n'ajoutons pas l'indécence des mots.
Mais se taire est suspect. L'indignation bruyante est de mise. Pour autant, faut-il se précipiter à la chasse aux boucs émissaires et nourrir des polémiques ?
Avant de balayer devant notre porte en dénonçant nos faiblesses, dressons le bilan de nos forces.


François Hollande s'est révélé chef d'État. Qui mieux que lui en ces circonstances aurait été capable de gérer la sidération nationale ? Partout présent, il a été irréprochable.
À aucun moment le pouvoir n'a donné l'impression de vaciller. Nulle hésitation, nulle précipitation, nul excès. La police a bien fait son boulot, sapeurs pompiers et hôpitaux se sont dévoués dans la grandeur de leurs traditions. Partout, malgré les coups, l'État est resté digne. Le peuple de Paris aussi.


À l'étranger, l'événement a vite pris une dimension planétaire éclipsant toutes les autres horreurs du moment.
Après le 11/09, le 13/11 marque le second jalon spectaculaire de cette première guerre asymétrique du 21ème siècle dont on peut craindre qu'elle dure cent ans. Bien sûr, il y eut entretemps des milliers d'attentats tout aussi abondants en perte de sang mais médiatiquement bien moins compatissants : Beyrouth, Bamako, Ankara, Tripoli, Karachi, Tunis, Mogadisco, Bombay, Sanaa, Bagdad...litanie sans fin des villes terrorisées.
Mais Paris la singulière est différente. C'est la capitale de la douce France, le jardin d'attraction de la terre entière.
Tous les routards savent comment illuminer le regard de leurs hôtes au bout du monde : il suffit d'évoquer Paris. Alors, l'étranger parle de Napoléon, de Pasteur, de Voltaire, de De Gaulle, Bardot, Zidane...la liste anachronique des références s'égraine au gré des rencontres du voyageur français. Ah ! Paris ! La tour Eiffel, les Champs Élysées, Pigalle...Paris qui sent le 5 de Channel au passage des élégantes à la terrasse des bistrots.
Tous ces clichés hantent les rêves délicieux des amoureux de la vie que le destin a fait naître dans des contrées moins radieuses. Que l'on touche à Paris et le monde se met en colère !


Ainsi, dans toutes les capitales civilisées on a spontanément entonné la Marseillaise en lever de rideaux, paré de tricolore les monuments et scandé la devise Liberté, Égalité, Fraternité.
Cette triple trilogie symphonique, chromatique et incantatoire est désormais la réponse aux assassins qui blasphèment en hurlant « Allah akbar ».


L'indignation arabe n'a pas été à la hauteur de l'évènement. Elle est certes habituée à pire depuis si longtemps. Diplomatiquement, les dirigeants ont fermement exprimé leur « rejet catégorique de toute forme de violence ou de terrorisme .... d'où qu'elle vienne». C'est insuffisant.
Aucun chef d'État arabe n'a vraiment marqué sa solidarité d'un geste fort. Seul le roi Mohamed VI du Maroc, en ordonnant à ses services de renseignements de coopérer immédiatement avec Paris, a mis son mouchoir sur sa rancoeur. Le Commandeur des croyants s'est montré le digne petit-fils d'un Compagnon de la Libération.


Dans l'hexagone, les porte-paroles de la représentation des musulmans de France se sont astreint au service protocolaire de circonstance en diffusant le message copié-collé utilisé pour Merah-Charlie-Gourdel. C'est pareillement insuffisant.
Sous l'oeil des caméras, le recteur de la Grande Mosquée de Paris confortablement calé dans un large fauteuil placé au centre d'une salle de prière déserte a débité quelques paroles vite emportées par le vent. Plus tard, face à une journaliste de CNN ébahi il a insisté sur la nécessité d'envoyer des fantassins contre le Calife de Mossoul.

L'islam de France est pris de court. Les fidèles sourdent de rage et d'impuissance, beaucoup se sentent coupables d'avoir enfanté des monstres qui dévorent leurs parents. Désemparés ils s'en remettent à la République pour sauver leur religion.



Vendredi prochain un hommage national sera rendu aux victimes. Les croyants auront-ils ce jour là l'audace salvatrice de draper tous les minarets de France de bleu, de blanc et de rouge ?

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