Le
20 mars, la Tunisie célébrera
l'anniversaire de ses soixante années d'indépendance. Dans
l'inquiétude et la tristesse, car son destin est incertain. Tout va
mal mais ce n'est pas entièrement de sa faute mais de la Libye, de
Daech et de l'Arabie Saoudite.
Après
les tueries du Bardo et de Sousse, celles de Ben Guerdane entament
l'optimisme légendaire des populations. Elles perçoivent désormais
le spectre d'une propagation de la guerre civile qui métastase
depuis le Levant jusqu'à la Tripolitaine voisine. Après être
parvenu à chasser le dictateur, la singulière nouvelle démocratie
arabe est condamnée
à vaincre Daech ou mourir.
C'est
un combat inouï à la portée de ce petit pays aguerri par 3000 ans
d'histoire.
Contrairement
à Mossoul, Raquah, Alep, Palmyre, Syrte, Tombouctou...la prise de
Ben Gardane a lamentablement échoué. L'armée et la garde nationale
ont résisté, la population ne s'est pas ralliée. C'est une
défaite sans précédent pour les « jihadistes » et la
marque d'espoir qui devrait inciter tous les hommes libres à se
mobiliser derrière les Tunisiens.
L'alibi
de tous les maux
La
frontière entre la Tunisie et la Libye est une passoire sous
contrôle aléatoire. Elle est lourdement militarisée en profondeur
à l'exception d'une bande côtière large de quelques kilomètres où
circulent d'innombrables convois de camions qui approvisionnent la
Libye dans un sens et la contrebande tunisienne dans l'autre. Ce
commerce informel s'est développé dans les années Ben Ali ;
il a pris une ampleur démesurée depuis la chute de Kaddhafi et
l’exil
massif de sa population vers la Tunisie. Dans sa thèse de sciences
politiques, Hamza Meddeb décrit la mafia des camionneurs qui règne
en maître sur « El Khat » (la voie), trait d'asphalte
qui relie Tunis à Tripoli. Sur cette route l'incessant trafic de
marchandises en tous genres
échappe à la vigilance des douaniers et des gardes nationaux qui
trop souvent ferment les yeux. La contrebande et l'économie grise
sont des gangrènes que le gouvernement tunisien combat mollement car
elles procurent des emplois clandestins aux chômeurs et des revenus
complémentaires aux fonctionnaires corrompus. Le système mafieu de
« la voie » entretient
vaille que vaille la paix sociale,
mais grignote les ressources fiscales de l'Etat qui doit s'endetter à
l'étranger pour boucler son budget.
http://www.fasopo.org/sites/default/files/jr/th_meddeb.pdfhttp://hybel.blogspot.fr/2015/05/tunisie-la-revolution-nest-pas-finie.html
Contrebandiers
nationalistes
La
déliquescence des institutions, l'injustice et la corruption
composent un
terreau fertile sur lequel prospère Daech.
À priori, toutes les conditions étaient réunies pour que Ben Guerdane, - 80 mille habitants, ville frontière avec la Libye distante de 30 km et capitale régionale des trafiquants - , tombe entre les mains des supplétifs tunisiens de Daech.
Depuis plusieurs semaines, les contrôles avaient été renforcés, les contrebandiers râlaient, des groupuscules manifestaient bruyamment au nom de la liberté du commerce. À l'aube du 8 mars, une centaine de rebelles armés ont attaqué simultanément la garnison, la gendarmerie et le commissariat de police. Les « jihadistes » ont sillonné le centre ville pour haranguer au mégaphone la population. En vain, nul ne les a rejoint. Il semblerait même que la mafia des contrebandiers « nationalistes » ait collaboré avec les forces de l'ordre pour contrer la mafia « islamiste ». Bilan officiel 70 morts dont une cinquantaine de « jihadistes ». Tous tunisiens.
À priori, toutes les conditions étaient réunies pour que Ben Guerdane, - 80 mille habitants, ville frontière avec la Libye distante de 30 km et capitale régionale des trafiquants - , tombe entre les mains des supplétifs tunisiens de Daech.
Depuis plusieurs semaines, les contrôles avaient été renforcés, les contrebandiers râlaient, des groupuscules manifestaient bruyamment au nom de la liberté du commerce. À l'aube du 8 mars, une centaine de rebelles armés ont attaqué simultanément la garnison, la gendarmerie et le commissariat de police. Les « jihadistes » ont sillonné le centre ville pour haranguer au mégaphone la population. En vain, nul ne les a rejoint. Il semblerait même que la mafia des contrebandiers « nationalistes » ait collaboré avec les forces de l'ordre pour contrer la mafia « islamiste ». Bilan officiel 70 morts dont une cinquantaine de « jihadistes ». Tous tunisiens.
Le premier jalon du
projet de conquête de l'Afrique du Nord par les barbares s'est soldé
par un échec total.
L'évènement n'a pas été célébré à sa juste mesure. La prise de Kairouan est ajournée sine die.
http://hybel.blogspot.fr/2015/03/pourquoi-la-tunisie.htmlL'évènement n'a pas été célébré à sa juste mesure. La prise de Kairouan est ajournée sine die.
La
Libye n'est pas le Levant
Les
islamistes wahhabisés qui ont fait allégeance au Califat de Mossoul
contrôlent depuis un an Syrte, la ville où est né et où a été
exécuté Khadhafi. C'est un petit port de 70 mille habitants situé
à 500 km au sud de Tripoli. Les combattants (environ 5 000) font
aussi la loi sur une bande littorale de 200 km et dans quelques
bourgades isolées à l'intérieur des terres. C'est beaucoup et
dérisoire à la fois, car la Libye c'est trois fois la superficie de
la France pour une population à peine égale à celle de la région
Nord-Pas-de -Calais-Picardie.
Ce
pays est un désert brûlant de cailloux et de poussières. S'y
déplacer discrètement est une gageure. Sans un appui logistique de
l'étranger la conquête du territoire est pour le moment
encore hors de porté des « jihhadistes ». Il est donc
urgent d'aider les Libyens à chasser les fanatiques de Syrte.
L'Italie distante d'à peine 300 km en est consciente, elle piaffe
d'impatience d'aller débarquer ses commandos pour nettoyer la ville
dès qu'une
demande conforme au droit international lui sera notifiée.
Daechxit ?
Les
Etats Unis,
la France, la Grande Bretagne, l'Italie, l'Allemagne et les pays du
Maghreb se sont accordé sur une stratégie de « Défense de
l'avant » selon la formule du Chef d'Etat Major des Armées
françaises. Elle consiste à identifier, suivre à la trace et
accessoirement neutraliser les « jihadistes ». La Libye
constitue un champ de manœuvre idéal pour tester la performance des
systèmes d'espionnages de très haute technologie et observer 24h/24
grâce aux drones et aux satellites les allées et venues des
suspects. Outre les commandos infiltrés, les renseignements
stratégiques sont fournis par des techniques
sophistiquées de mouchardages : transpondeurs des Toyota,
étiquettes actives sous les babouches et même des balises Rfid de
la taille d'un grain de couscous implantées
sous la peau des « cibles » à leur insu.
Le
bombardement du camp libyen de Sabratha le 19 février dernier par
l'aviation américaine (50 morts) apporte la démonstration que les
troupes de Daech restent pour le moment encore « under
control ». Il signifie clairement
que toute entreprise qui menace la Tunisie sera combattue
par l'US Army. Washington a d'ailleurs accordé à Tunis l'an dernier
le statut « d'allié majeur non membre de l'OTAN » qui donne accès à une coopération militaire renforcée.
Reste
à espérer que la leçon de Ben Guerdane sera comprise tout comme
l'a été celle d'In Aménas en Algérie en 2013.
Vers
une « somalisation » de la Libye ?
Tant
que la base arrière de Daech en Libye ne sera pas
tombée, la
menace d'incursion en Tunisie (et partant en Europe), subsistera.
C'est pourquoi, les occidentaux multiplient les projets de plan
d'invasion du bastion islamiste de Syrte. Mais les deux gouvernements
libyens rivaux de Tobrouk et de Tripoli s'accordent pour s'y opposer
catégoriquement. En Europe, on s'impatiente pour d'évidentes
raisons de sécurité, mais aussi dans la perspective de capter les
dividendes pétroliers de la paix, et puis, les généraux rêvent de
marcher sur les pas de Rommel, Graziani, Montgomry et Leclerc. De
leur coté, Tunis et Alger s'opposent fermement à ce type d'aventure
voué pensent-ils, à la « Somalisation » de la région.
Ils encouragent avec fermeté une improbable réconciliation des
Libyens et plaident pour une solution politique régionale, mais
personne n'a encore pris l'initiative d'organiser une conférence au
sommet.
L'Union
du Maghreb demeure une chimère
Fondée
en 1989 l'Organisation de l'Union du Maghreb Arabe regroupe
l'ambition des cinq pays : Mauritanie, Maroc, Algérie, Tunisie
et Libye d'instaurer un espace commun de libre échange, de
prospérité et de paix. Depuis sa fondation, elle dort
consciencieusement. Sur son site internet la page « objectifs
et missions » reste désespérément blanche.
http://www.maghrebarabe.org/fr/objectifs.cfm
Le dernier débat de la réunion des ministres des affaires
étrangères a porté sur la réforme de son appellation et de son
acronyme. Le Conseil des Chefs d'État de l'UMA (ou de l'UM, comme on
voudra) ne s'est pas réuni depuis 1994 ! Son échec principal
(objet subliminal de sa fondation), demeure le conflit entre le Maroc
et l'Algérie à propos du Sahara occidental qui perdure depuis plus
de 40 ans !
Tunis,
dont la diplomatie excelle et qui entretient les meilleurs relations
avec chacun des États du Maghreb est au centre des espoirs. Encore
faudrait-il que le vigoureux Président nonagénaire Caïd Essebsi,
négociateur hors pair tout comme son voisin Bouteflika, cessent tous
deux de regarder l'avenir dans le rétroviseur de leur propre
histoire et fassent bouger les lignes.
Daech-tun
Les
Tunisiens représentent le plus fort
contingent des brigades internationales de Daech. Selon divers
sources, ils seraient 6 000 à se battre au Levant et plus de dix
mille volontaires auraient été empêchés
par les autorités de quitter la Tunisie. Cette singularité est un
mystère que tous les jihadologues tentent de comprendre. Les
explications proposées
sont nombreuses : sociologiques, ethnologiques, économiques,
géopolitiques...Toutes sont plus ou moins convaincantes.
La
moins répandue pointe la complicité de l'ancien régime avec le
Royaume d'Arabie Saoudite. Le dictateur Ben Ali réfugié à Jeddah
entretient
depuis quarante ans des liens d’amitié solides
avec la lignée d'Abdulaziz Al Saoud et en particulier avec Mohamed
Nayef le très puissant Prince Héritier et ministre de l'intérieur.
À n'en point
douter Ben Ali est de mauvais conseil.
Daech-saoud
Au
même titre que l'Iran, la Syrie, le Yemen et dernièrement le Liban,
le « printemps tunisien » est honni des wahhabites. La
Tunisie, c'est Satan. L'unité de son peuple, son attachement aux
valeurs républicaines, à la liberté de pensée, à l'égalité des
genres et des droits fondamentaux, son adhésion unanime à la
démocratie avec de surcroit la conversion du parti islamiste
Ennahdha au processus de l'alternance, sont autant d'insultes aux
Saoud qui cherchent à salafiser l'ensemble du monde musulman. C'est
pourquoi, ils sont résolus quel qu'en
soient le prix et les méthodes, à
gagner les Tunisiens
à leur idéologie rétrograde. Alors dans les coulisses, les
Altesses Royales manoeuvrent en misant sur le chaos qui conduira la
Tunisie vers la dictature intégriste dont les barbares de Daech
constituent l'avant garde agissante.
Par
une cynique coïncidence, au moment même où Ben Guerdane
était attaqué, un détachement de l'armée tunisienne participait
en Arabie à des manœuvres militaires gigantesques
auxquelles avaient
été « conviés » avec beaucoup de persuasion une
vingtaine de pays. Cependant qu'à Paris le Vice roi d'Arabie
Saoudite recevait en catimini des mains du Président de la
République la croix au revers de laquelle est gravé « Honneur
et Patrie »
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