Insidieusement,
le communautarisme s'invite dans le débat des présidentielles.
Discrètement, chaque candidat caresse les électeurs juifs et
musulmans dans le sens du poil sans même savoir combien ils sont. La
loi de la raison républicaine interdit de les compter, ce qui
autorise toutes les approximations : 500 mille à un million
pour les premiers, 2 à 6 millions pour les seconds ?
Ils
sont inéquitablement représentés. À l'Assemblée nationale les
musulmans bi-nationaux arabes se comptent sur les doigts de la main
alors que les députés juifs bi-nationaux israéliens sont de l'aveu
de Meyer Habib une soixantaine. Dénicher un maire ou un premier
adjoint au prénom musulman dans les 40 000 communes de France relève
de la gageure. Enfin, dans la fonction publique et les entreprises,
le plafond de verre oblige les mal prénommés à céder le pas.
Le
vote communautaire est un grand mystère qui alimente tous les
fantasmes. Il est souvent nié alors que l'analyse conduite par des
chercheurs dans des circonscriptions « ghetto » de
Sarcelle ou de Trappes notamment,
a démontré
une sur-représentation des votes juifs et musulmans lors des
dernières élections présidentielles. À droite pour les uns, à
gauche pour les autres. Mais l'absence d'étude pertinente à
l'échelle nationale alimente toutes les suppositions.
C'est
sans doute pourquoi, sur ce terrain périlleux, les candidats
marchent sur des œufs.
Ainsi,
aucun d'entre eux n'aura pris le risque de décliner l'invitation à
dîner du Conseil Représentatif des Institutions Juives de France le
22 février dernier. Comme chaque année, les 800 convives payants
ont écouté les slogans habituels : « l'anti-sionisme
c'est de l'antisémitisme déguisé »
ou encore « Israël
n'est pas une État colonialiste mais anti-terroriste ».
Tous
les prétendants à la Présidentielle ont applaudi.
Sauf Mélenchon et Le Pen car ils n'avaient pas été invités.
Le
message du CRIF est clair : juifs de France, votez pour qui vous
voulez sauf pour la France Insoumise et le Front National !
Certes,
cette tribune de l'État hébreu ne fait pas l'unanimité chez les
juifs pas plus que celles du Qatar ou de l'Arabie Saoudite chez les
musulmans et fort heureusement, il est exclu que les mosquées de
France – tout comme les synagogues - appellent à voter pour un
candidat. Encore faut-il craindre quelques invitations incongrues aux
dîners d'iftar pendant
le mois de ramadan en juin prochain qui coïncidera avec la campagne
des législatives.
Pour
l'heure, il est acquis que
les salafistes se tiendront à l'écart des scrutins car une
interprétation (abusive) du Coran leur interdit d'apporter leur
suffrage à un mécréant. Les islamolâtres n'auront donc d'autres
choix que le bulletin blanc ou l'abstention, d'autant que le
téméraire docteur Kamel Messaoudi, candidat de l'Union des
démocrates musulmans n'a obtenu que 3 parrainages. Par conséquent,
le roman de Houellebecq s'éloigne de la prémonition.
Pour
autant, le vote des bi-nationaux
franco maghrébins peut assurément faire basculer le scrutin. Lionel
Jospin, saqué par les Algériens,
l'a appris à ses dépends en 2002. Hollande avait retenu la leçon
en 2012, par pour longtemps car il n'est pas facile de plaire aux
musulmans sans fâcher les juifs et inversement. Ainsi, Benoît Hamon
ayant promis que
lui Président, la France reconnaitra l'État Palestinien, il a
immédiatement été qualifié d'islamo-gauchiste par les amis de
Valls qui l'ont accusé de vouloir séduire à bon compte les
électeurs arabes des banlieues. Signe fort : la section Israël
du PS a déserté en bloc pour rejoindre le camp Macron. Illustration
de l'éternel « syndrome Jérusalem » qui depuis des lustres divise
le parti socialiste sur cet impossible compromis.
Macron
qui cherche à plaire à tout le monde a choisi une technique
d'aguichage subtile. Sans doute contaminé par un tropisme
néo-colonial qui considère que les citoyens arabes de France sont
sous l'influence de leur pays d'origine, il a entrepris d'aller sur
la terre de leurs ancêtres.
Sa
première escale électorale l'a conduit à Tunis. Accompagné de
Bertrand Delanoë natif de Bizerte, il espérait briller. Bide total.
Président et gouvernement l'ont snobé. Il faut dire que la jeune
démocratie tunisienne a d'autres chats à fouetter et que l'ancien
ministre n'a pas particulièrement soutenu la révolution lorsqu'il
était aux affaires. Et puis, les affinités de Carthage sont plutôt
sarkozistes.
Au
Liban, cœur de la pensée politique arabo-musulmane moderne, Macron
était guidé par la sénatrice ex-PS Bazira Khiari « farouchement
républicaine, sereinement musulmane »
et par un banquier d'affaires de la place. Beyrouth lui a réservé
son meilleur accueil. Réceptions, cortège officiel, pin pon...
Bref, Macron se l'est joué Président. Le Liban qui est attaché à
ses traditions d'hospitalité, a fait savoir que tous les candidats
seraient reçus
avec égards et bienveillance. Alors, après Fillon et Macron, Marine
Le Pen s'est précipitée. Elle a pareillement été reçue. Les
Libanais qui adorent les sous entendus, racontent que le Président
du Conseil des ministres Saad Hariri, richissime homme d'affaires qui
porte aussi la nationalité saoudienne, n'a pas manqué de rendre
compte aux Altesses d'Arabie.
À
Alger, Macron a marqué des points. Un sans faute minutieusement
préparé qui lui a valu les honneurs du tapis rouge. Reprenant
l'idée du journaliste Rachid Arhab, il a d'abord déclaré qu'il
était favorable à la création d'une chaîne de télévision
franco-algérienne sur le modèle d'Arte : applaudissements !
Puis, il a qualifié la colonisation de crime contre l'humanité :
ovation ! Par cette petite phrase très inspirée,
il a rallié le soutien du pouvoir et engrangé en France des
promesses de votes inespérés.
Il
suffirait que Macron élargisse son propos à la colonisation
israélienne et dénonce clairement comme Mélenchon l'offense aux
droits humains en Palestine, pour que l'intégralité de la
communauté arabe de France se mette « En Marche ».
Osera
t-il aller jusque là pour assurer ses chances de victoire ?
À
Rabat, la sortie de Macron interprétée de multiples
façons, a été frigorifiquement appréciée. D'ailleurs, depuis des
mois, le roi Mohamed VI a fait le choix de tourner le dos aux
gesticulations socialo-parisiennes ; il voit l'avenir de son
pays avec l'Afrique plutôt qu'avec l'Europe.
Impatients,
les comités de soutien macronien
au Maroc attendent depuis des semaines la venue de leur candidat qui
est sans cesse repoussée
d'un
week end à l'autre. L'enjeu est doublement important car «... la
communauté française au Maroc compte 48 800 personnes... La
communauté marocaine en France compte 1 500 000 personnes
dont 670 000 bi-nationaux ».
Ces
chiffes très officiels sont extraits du rapport d'Élisabeth Guigou
publié par l'Assemblée Nationale le 16 juin 2016. Ils permettent,
par extrapolation en proportion et addition des bi-nationaux
algériens et tunisiens,
d'évaluer le nombre de citoyens français de la communauté
musulmane maghrébine à 2,4 millions. Soit l'équivalent de la
population de Paris. Cela vaut bien une messe !
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