À
Paris, ils sont majoritaires
dans les premiers métros du matin, sur les chantiers, à l'entretien
des hôpitaux et des TGV, chez Mc Do et Uber... dans tous les petits
boulots mal payés. On ne les voit jamais
dans les beaux quartiers, les club huppés, dans les embouteillages
des départs en week end, dans les stations de sport d'hiver...
Aux
côtés des
travailleurs déplacés de Pologne et de Roumanie, ils forment la
cohorte des prolétaires précaires et des chômeurs en alternance.
Pourtant,
dans l'élection présidentielle qui s'annonce serré, leurs
votes seront déterminants. Sur les 45,7 millions d'inscrits, les
citoyens à peau noire ou basanée seraient plus de 4 millions.
Dix
pour cent du corps électoral ce n'est pas rien !
Cette
communauté populaire mais non populiste largement anti Front
National avait jadis permis la
victoire de Chirac en 2002 et de François Hollande en 2012.
Aujourd'hui,
ces Français d'en bas sont désabusés
et déboussolés. Alors devant l'urne, il est probable que leur choix
sera dicté par leur appartenance à une catégorie de citoyens
doublement discriminés.
Chacun
des onze présidentiables bichonne ses figurants de couleur qui
seront pourtant bien mal récompensés. Au cours
de
ces vingt dernières années les ministres noirs se sont comptés
sur les doigts de la main. Le score est plus encourageant pour les
arabes. Il faut rendre justice à Nicolas Sarkozy qui a promu « des
représentants visibles de
la
diversité »
et à François Hollande qui a amplifié le mouvement. Mais dans les
états majors des partis politiques et dans la haute fonction
publique, le plafond de verre reste très bas. Les élites en
proportion pourtant très nombreuses ne parviennent pas à percer.
Combien d'ambassadeurs, de généraux, de procureurs, de
commissaires, de recteurs...? Combien de distingués dans la dernière
promotion de la Légion d'honneur ?
Aucun descendant des
indigènes de la République n'est parvenu à réunir les 500
signatures requises auprès des 42 000 grands électeurs. Cheminade,
Lassalle, Asselineau, ont fait le plein haut la main. Rama Yade qui a
pourtant été à la rencontre de plus de 1000 maires n'a rassemblé
que 353 soutiens et le Dr Kamel Messaoudi seulement 3.
À
la porte du pouvoir, comme à la discothèque, les vigiles veillent.
N'entre pas qui veut.
Cette
discrimination politique concerne toutes les nuances de couleur de
peau: l'africaine, la caribéenne, la réunionnaise, la calédonienne,
la métis, l'arabe, la kabyle, la turque, l'asiatique … Ghettoïsés
dans les banlieues, ils se révoltent parfois à l'occasion
d'injustices policières, rarement pour revendiquer l'égalité et la
fraternité car ces valeurs sont les leurs
et ils se
sentent citoyens blancs de peau et de conviction. Si le bulletin
blanc existait, ils
l'utiliseraient
en masse pour dire leur attachement à la démocratie et leur
indifférence pour des candidats tellement éloignés de leurs
préoccupations.
Du
côté
de la bien pensance sans nuances, on se désole ouvertement mais on
se félicite tout bas que les sans dents polychromes soient
inorganisés. Les gonfaloniers de la diversité : Désir,
Belgacem, Khomri, Placé... n'ont d'ailleurs jamais revendiqué le
rôle, ils ont au contraire savamment gommé leur identité
culturelle. Dati, Ben Guigui et Kadri se sont lamentablement
déconsidéré. D'autres, plus dignes sont resté fidèles à leur
culture comme Taubira, Bareigts, Pau-Langevin et Lurel... de son
côté,
Fleur Pelerin a carrément levé le pied.
Conscients de l'enjeu de ce réservoir à suffrages, les candidats redoublent tous de câlineries savamment ciblées.
Côté
noir :
Hamon s'engage à « Faire
battre le cœur des Outre-mer » ;
Fillon liste 25 propositions ; Macron offre 200 000 billets
d'avion à prix cassés depuis les îles (incluant la Guyane) ;
Le Pen annonce des policiers et des douaniers...
En
hologramme ou en Airbus, tous les candidats ont fait le voyage pour
annoncer aux oubliés du bout du monde que Paris allait enfin
s'occuper d'eux. Dans cette débauche de promesses le programme
émancipateur de Mélenchon fera sans doute basculer le vote des
indécis dans les territoires en révolte et en métropole.
Côté
arabe :
Macron a eu le toupet d'aller négocier - avec succès - le soutien
du pouvoir algérien. Pour autant, il est incertain que les discrètes
consignes d'Alger soient suivies par les binationaux. François
Fillon pour sa part, ménage al Assad (que les candidats s'appliquent
à prénommer familièrement Bachar) et promet de réviser nos
relations avec la monarchie saoudienne.
Cela prouve qu'il ne leur doit rien. Tout cela est insuffisant pour
convertir.
L'important
suprême, c'est l'insupportable colonisation Israélienne. Lorsque
l'on sait la sensibilité de la communauté arabe pour la cause de
cette injustice qui s'aggrave de jour en jour depuis 50 ans, il est
probable que dans son immense majorité elle donnera son vote à l'un
des trois candidats de gauche ayant au moins pris l'engagement de
reconnaître l'État Palestinien.
Par
conséquent, la double fonction tribunitienne et de concorde du parti
de la « France Insoumise » est en posture de rallier la
majorité de la communauté des discriminés. Toutefois, si Jean Luc
Mélenchon ne parvenait pas à se qualifier, il serait imprudent de
compter à nouveau sur les citoyens issus de la diversité pour
faire barrage au Front National au second tour.
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