jeudi 6 février 2014

L'affaire Cokini


C'est une histoire qui se déroule en ce moment même. Elle sera sans doute portée à l'écran tant son scénario qui s'écrit au jour le jour est ahurissant.Tous les ingrédients d'un film à grand spectacle sont réunis.

Eric Cokini le héros, a le physique de Jean Marais, la fougue de Belmondo et le sourire craquant de Dujardin. L'épopée de ce Niçois est singulière. Dans les années 90 il bâcle ses études de commerce et part les mettre en pratique sur le terrain. Il bourlingue en Asie Centrale avec l'ambition de vendre du « made in France ». Il se déplace en stop, dîne et dort chez l'habitant. Ce VRP tricolore aux « pieds nus » est un spécimen rare. Persévérant et talentueux, il tricote dans l'ombre les carnets de commande des PME françaises. Il travaille sans filet, sans salaire ni note de frais. Il est son propre patron, se bagarre pour importer les marchandises, les transporter, les dédouaner, les faire payer. Il accumule les succès et les échecs. En quelques années son expérience est faite, il a appris les langues du pays, il commence à gagner sa vie, se marie, son gosse grandit. L'homme d'affaires devenu un quadragénaire prospère est courtisé par l'ambassade. Toutes les personnalités françaises de passage demandent à le rencontrer. On lui épingle une médaille pour son grand mérite d'être le spécialiste éclairant d'un des pays les plus opaques du Monde.

L'Ouzbékistan fait rêver les touristes, mais pour tout exportateur, la route de la soie est la pire destination. Elle est avec la Corée du Nord l'un des conservatoires du despotisme de notre temps. La police politique est omniprésente, la bureaucratie est kafkaienne. Le bien mal prénommé Islam Karimov a conservé son poste de dictateur à la chute de l'empire soviétique. Il accapare les deux principales richesses du pays : l'or et le coton. Sa famille s'occupe du reste. Souvent, la population gronde, des jeunes manifestent, la vallée industrielle de Fergana se révolte. Le sang coule dans l'indifférence de la communauté internationale trop heureuse de pouvoir compter sur ce gardien zélé de la frontière de l'Afghanistan qui pratique une islamophobie rassurante à la mode de l'ex-Union Soviétique.

Le Président Karimov a une fille: milliardaire à souhait. Blonde, voluptueuse, carminée jusqu'au bout des ongles. Gougousha est boulimique : artiste, diplomate, politologue, chanteuse, danseuse, jet-setteuse. Les américains la surnomme « la baronne du vol ». Elle a accaparé tous les circuits d'affaires et les médias avant de prétendre ouvertement à un destin politique. Rivale ou complice de papa ? Nul ne sait. Au Palais de Karimov, bien malin qui peut décrypter les règles du billard Ouzbek à trois bandes ? Officiellement, il y aurait de la brouille dans l'air car la fille pas sage vient de découvrir que son papa mettait des citoyens en cages pour un simple regard. Alors elle se répand sur les réseaux sociaux pour fustiger la situation des droits de l'homme en Ouzbékistan. En France, elle est surtout connue pour ses soirées fastueuses et ses démêlés avec un juge d'instruction qui l'accuse de blanchiment à grande échelle.

Il y a quelques années, Eric Cokini sans doute lassé par les charmes de la mafiocratie Karimov père et fille est revenu s'installer à Nice pour y soigner son fils malade et poursuivre son commerce avec des pays plus respectables. Il croyait la page ouzbek refermée. Mais le 14 janvier dernier il a été interpellé à l'aéroport de Moscou pour être extradé vers l'Ouzbékistan qui l'accuse de détournement et fraude fiscale. Flairant le piège grossier, la justice russe a temporisé en alertant l'ambassade de France qu'elle imaginait prompte à voler au secours de son ressortissant. Un fonctionnaire français s'est déplacé. Pour justifier le maintien de l'injuste incarcération qu'il pouvait lever d'une simple signature de garant, le vice consul de France a eu cette phrase réconfortante : « je n'ai pas d'instructions ». Le bon juge a promis de les attendre jusqu'au 14 février.
En France, les amis d'Eric se sont indignés. Plus de mille personnes ont pétitionné. Tous ceux qui ont un jour croisé le rire de Cokini se sont mobilisés. Il y a même deux anciens ambassadeurs de France qui multiplient les messages de détresse. A Paris, Président, ministres, diplomates, députés, sénateurs sont tous bien embarrassés car il y a les mystérieux intérêts supérieurs de l'Etat, les relations bilatérales, les contentieux en cours, les contrats attendus et puis dans quelques jours les JO de Sochi...

Ceci est une alerte !
Il se prépare à l'ombre des chancelleries de France un remake de « Midnight Express ».

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