C'est
une histoire qui se déroule en ce moment même. Elle
sera sans doute portée à l'écran tant son scénario qui s'écrit
au jour le jour est ahurissant.Tous les ingrédients d'un film à
grand spectacle sont réunis.
Eric
Cokini le héros, a le physique de Jean Marais, la fougue de Belmondo
et le sourire craquant de Dujardin. L'épopée de ce Niçois est
singulière. Dans les années 90 il bâcle ses études de commerce et
part les mettre en pratique sur le terrain. Il
bourlingue en Asie Centrale avec l'ambition de vendre du « made
in France ». Il se déplace en stop, dîne et dort chez
l'habitant. Ce VRP tricolore aux « pieds nus » est un
spécimen rare. Persévérant et talentueux, il tricote dans
l'ombre les carnets de commande des PME françaises. Il travaille
sans filet, sans salaire ni note de frais. Il est son propre patron,
se bagarre pour importer les marchandises, les transporter, les
dédouaner, les faire payer. Il accumule les succès et les échecs.
En quelques années son expérience est faite, il a appris les
langues du pays, il commence à gagner sa vie, se marie, son gosse
grandit. L'homme d'affaires devenu un quadragénaire prospère est
courtisé par l'ambassade. Toutes les personnalités françaises de
passage demandent à le rencontrer. On lui épingle une médaille pour
son grand mérite d'être le spécialiste éclairant d'un des pays
les plus opaques du Monde.
L'Ouzbékistan
fait rêver les touristes, mais pour tout exportateur, la route de la
soie est la pire destination. Elle est avec la Corée du Nord l'un
des conservatoires du despotisme de notre temps. La police politique
est omniprésente, la bureaucratie est kafkaienne. Le bien mal
prénommé Islam Karimov a conservé son poste de dictateur à la
chute de l'empire soviétique. Il accapare les deux principales
richesses du pays : l'or et le coton. Sa famille s'occupe du
reste. Souvent, la population gronde, des jeunes manifestent, la
vallée industrielle de Fergana se révolte. Le sang coule dans
l'indifférence de la communauté internationale trop heureuse de
pouvoir compter sur ce gardien zélé de la frontière de
l'Afghanistan qui pratique une islamophobie rassurante à la mode de
l'ex-Union Soviétique.
Le
Président Karimov a une fille: milliardaire à souhait. Blonde,
voluptueuse, carminée jusqu'au bout des ongles. Gougousha est
boulimique : artiste, diplomate, politologue, chanteuse,
danseuse, jet-setteuse. Les américains la surnomme « la
baronne du vol ». Elle a accaparé tous les circuits d'affaires
et les médias avant de prétendre ouvertement à un destin
politique. Rivale ou complice de papa ? Nul ne sait. Au
Palais de Karimov, bien malin qui peut décrypter les règles du
billard Ouzbek à trois bandes ? Officiellement, il y aurait de la
brouille dans l'air car la fille pas sage vient de découvrir que son
papa mettait des citoyens en cages pour un simple regard. Alors elle
se répand sur les réseaux sociaux pour fustiger la situation des
droits de l'homme en Ouzbékistan. En France, elle est surtout connue
pour ses soirées fastueuses et ses démêlés avec un juge
d'instruction qui l'accuse de blanchiment à grande échelle.
Il
y a quelques années, Eric Cokini sans doute lassé par les charmes de la
mafiocratie Karimov père et fille est revenu s'installer à Nice
pour y soigner son fils malade et poursuivre son commerce avec
des pays plus respectables. Il croyait la page ouzbek refermée. Mais
le 14 janvier dernier il a été interpellé à l'aéroport de
Moscou pour être extradé vers l'Ouzbékistan qui l'accuse de
détournement et fraude fiscale. Flairant le piège grossier, la
justice russe a temporisé en alertant l'ambassade de France qu'elle
imaginait prompte à voler au secours de son ressortissant. Un
fonctionnaire français s'est déplacé. Pour justifier le maintien
de l'injuste incarcération qu'il pouvait lever d'une simple
signature de garant, le vice consul de France a eu cette phrase
réconfortante : « je n'ai pas d'instructions ». Le bon juge a promis de les attendre jusqu'au 14 février.
En France, les amis d'Eric se sont indignés. Plus de mille personnes
ont pétitionné. Tous ceux qui ont un jour croisé le rire de Cokini
se sont mobilisés. Il y a même deux anciens ambassadeurs de France
qui multiplient les messages de détresse. A Paris, Président,
ministres, diplomates, députés, sénateurs sont tous bien
embarrassés car il y a les mystérieux intérêts supérieurs de
l'Etat, les relations bilatérales, les contentieux en cours, les
contrats attendus et puis dans quelques jours les JO de Sochi...
Ceci
est une alerte !
Il
se prépare à l'ombre des chancelleries de France un remake de
« Midnight Express ».
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