Charles
de Gaulle fut le meilleur connaisseur des affaires levantines. Dès
1929, le futur héros de la France Libre, alors simple Commandant des
renseignements militaires à Beyrouth, pressentait la leçon de
cohésion que la France pouvait attendre du Liban.
Son
lointain successeur le chef du deuxième bureau des forces armées
libanaises multiplie les succès. En quelques semaines, il a
interpellé et débriefé les têtes de réseaux terroristes
salafistes que les mauvaises langues affirment avoir été
instrumentalisés par
l'Arabie Saoudite. Coïncidence, quelques jours plus tard, le roi
Abdallah a spectaculairement sifflé la fin du jihad. Il a ordonné
aux milliers de combattants saoudiens en Syrie et au Liban de déposer
immédiatement les armes sous peine d'être jetés
en
prison à leur retour dans le Royaume. Cette décision inespérée
est quelque peu passée inaperçue à Paris. Mais Obama, qui avait
sans doute inspiré ce décret d'armistice a immédiatement annoncé
qu'il irait à Riyad en mars prochain pour serrer les doigts du
monarque et fixer les règles du « new Saudi-US deal ».
Et
la France ?
Elle
compte et se dépense.
Entre elle et le Liban, il y a un « bon d'achat »
d'armes de trois milliards
de dollars payé cash et d'avance par l'Arabie.
Les
modalités pratiques de la transaction sont simples
en
apparence. La somme versée sur un compte du trésor à Bercy sera
débitée au fur et à mesure des commandes libanaises. L'opérateur
et le contrôleur de la transaction est ODAS, une structure détenue
en majorité par les industriels de l'armement mais dont le PDG est
désigné par l'Elysée. Sarkozy avait nommé son Chef d'Etat Major
de la marine. Pour conduire cette entreprise sensible, Hollande
s'apprête à récompenser la retraite du Chef de l'ensemble des ses armées.
Il
faut reconnaître que la mission d'honorer un cadeau empoisonné hors
normes est délicate. En acceptant le chèque des mains du souverain
wahhabite en décembre dernier, le Président Hollande avait
(peut-être) mesuré les difficultés de cette opération commerciale
inédite.
Nul
n'a encore bien compris le comment et le pourquoi de cette
extravagante transaction ni les arrières pensées qui l'on motivée.
En Orient, on adore le jeu des échecs et le billard à trois bandes,
surtout lorsque la partie vaut trois milliards.
A
peine François Hollande était-il de retour des sables d'Arabie que
ses amis israéliens se sont mis à hurler dans la cour de l'Elysée.
« c'est une trahison, nous ne laisserons pas la France exporter
des armes à nos ennemis !» Puis à la cohorte des hébreux se
sont jointes
celles des Européens et des Américains reprenant en cœur « pas
question que les armes françaises tombent entre les mains du
Hezbollah que nous venons d'élever au rang d'organisation
terroriste ! »
De
leur coté les industriels marchands de missiles sont montés au
créneau réclamant leur part du gâteau. Ils ont été priés
de
patienter, alors par précaution, ils ont repris langue avec leurs
réseaux d'intermédiaires salivant par l'odeur alléchée.
Au
Liban, les deux grandes familles chrétiennes et musulmanes se
partagent à travers les dix huit communautés qui siègent au
Parlement, la gouvernance des institutions. Le Liban est pluriel.
L'harmonie est possible toutes les fois que l'étranger ne s'en mêle
pas. Les
Libanais
savent d'où vient l'ingérence.
A
l'image du pays, l'armée libanaise est pluriconfessionnelle, mais soldats et officiers forment un corps uni redoutablement
performant au regard de ses moyens. L'armée est soudée face à la menace de son
ennemi déclaré : Israël.
« Notre
choix en tant que militaires est la persévérance afin de préserver
cette nation, faire face à l’ennemi israélien, ses réseaux
d’espionnage et ses avidités, lutter contre le terrorisme sous ses
différentes formes, et traquer les saboteurs qui oeuvrent à porter
atteinte à notre sécurité ». Ordre
du jour du Chef d'Etat Major lors de la fête des Armées.
Il y a quelques jours, des
plénipotentiaires parisiens se sont rendu à Beyrouth pour expliquer
que seule la branche armée du Hezbollah était terroriste mais que
les membres encartés au sein de l'armée libanaise ne l'étaient
pas. Les Libanais,
gens de grande subtilité ont apprécié l'exercice diplomatique et
linguistique en souriant.
Puis
les
Français
ont suggéré au patron des forces armées le Général Jean Kahwaji
de passer commande de 60 000 uniformes Dior, ceinturons et bottines
Hermes, baudriers et guêtres Louis Vuitton, montre-boussole Cartier.
A discrétion, parfums et carrés de soie pour les épouses. Au
prix unitaire et forfaitaire de 50 000 dollars et le compte est bon !
Furieux
qu'on prenne les vainqueurs de la guerre contre Israël de 2006 pour
une armée d'opérette, les généraux libanais ont présenté leur
liste. A prendre ou à laisser. Puis ils sont allés
à Riyad dire pis que
pendre des frankaouis.
On
en est là.
Pour
sauver le bon de commande,
Paris
recherche désespérément l'homme providentiel aux idées simples
qui saura décrypter l'Orient compliquée.
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