On trouve à Alençon un Palais de justice pas beau, une Préfecture de châtelain, un Hôtel de ville prétentieux, des églises à clochers, un hôpital, des fast food et des hypermarchés en banlieue, comme dans tous les chefs lieux.
Le centre ville est agréable. Il y a des vrais commerçants qui boulangent, qui viandent et qui poissonnent. Partout l’accueil est aimable, même chez les gardiennes du musée qui concèdent bien volontiers au visiteur râleur que l’éclairage est indigne des œuvres exposées. « Écrivez » disent-elles…
Voici fait.
Le long de la rivière, des estaminets se donnent des airs de guinguettes, le soleil illumine quatre fois l’an les vitraux de la basilique. Les HLM voisinent les riches maisons de maîtres dans un miracle d’harmonie à laquelle la native Sainte Thérèse, patronne des édiles et des architectes, n’est sans doute pas étrangère.
Dans les rues piétonnes, les confiseries se disputent les faveurs des gourmands, à toute heure on y fait la queue. Entre mâtines et vêpres les bigotes s’aident de leurs rosaires pour compter les douceurs de truffes, de guimauves et de pâtes d’amandes qu’elles devront confesser. Aux terrasses, défiant les giboulées, des jeunes sirotent et fument.
Le légendaire hôtel du Grand Cerf qui hébergea Leclerc, mais aussi les frasques des notaires de Brel avec la grosse Adrienne de Montallant, tombe hélas en décrépitude. A coté de Notre Dame, on remarque deux insolites enseignes rivales « Istanbul Kébab » et « Athènes Kebab » où se pressent les friands de cette nouvelle spécialité ornaise. On se consolera en songeant à d’autres tristes néons, le « Royal Couscous » près du château de Versailles, le « Pot-au-feu » de la place Tiananmen, « Ma Normandie » à Casablanca, « Chez Maurice » à Aden…
Mais Alençon ne serait pas capitale sans « Le Passage ». Ce lieu vaut le détour. Vous y entrez par la rue Jeudi et ceci, tous les jours de la semaine sauf le dimanche et le lundi. Vous en sortez le même jour par la rue du Bercail. Le passage est aussi possible en sens inverse. On y trouve des livres, accessoires indispensables pour passer de courts instants de chaise longue au soleil normand ou de longs moments de chaise courte au coin du feu. Hélas, cet endroit reste peu fréquenté par les anciens de Moulinex qui ont depuis longtemps échangé leurs fins de droits contre une dignité discrète. Pour se consoler, ces oubliés lisent chaque mardi un honnête canard « l’Orne Républicain » ; unique colporteur des échos du landerneau et des doléances d’un tiers état superbement ignoré du Grand Paris.
Pourtant, la capitale de l’Orne est à seulement 20 minutes de Paris en hélicoptère. En train c’est beaucoup plus long, il y a un changement. En voiture il faut compter avec les radars et les bouchons de la RN 12 mais en trois heures c’est possible ! Voilà pourquoi à propos de cette charmante citée provinciale la question rituelle des Vélibiens de la rive gauche revient en ritournelle: « Alençon ! C’est-où-çaaa? »
Revenons au Passage. La boutique est un mélange de Hune et de Procure, en plus intime. Il y manque les canapés de la librairie du Bon Marché, mais on peut s’asseoir sur les marches ou s’isoler dans les recoins. On y trouve de tout mais plutôt du meilleur que du pire. Difficile d’y flâner sans acheter, d’autant que les nouveautés sont parfois mises en rayon quelques jours avant Paris !
J’emporte l’enquête de Franck Renaud sur « Les Diplomates » et celle d’Arfi et Lhomme sur « Le contrat » de Karachi, deux ouvrages ahurissants que j’ai dévorés à chaud et dont je rendrai compte à froid.
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