La grippe qui fauche les vieux à l’entrée de l’hiver est venue frapper à ma porte. Mon voisin Normand m’a apporté une fiole de réconfortant miracle avec son mode d’emploi. « Tu mets ta chéchia au bout du lit. Tu sirotes. Quand tu en vois deux, tu es guéri ! »
A peine convalescent, on me pousse à prendre position. « Alors la Tunisie ? Islamiste ou séculariste ? »
Je soupire et feins l’assoupissement.
Que sais-je des militants d’Ennahda ? Quels crimes ont-ils commis autres que ceux attribués par le satrape ?
Premier prisonnier politique de Ben Ali, Si Mahmoud grand père de mes enfants, avait été jeté dans le pavillon des islamistes. L’usurpateur espérait qu’ils le lyncheraient. Ils l’ont protégé. A son procès, Maître Mourou est venu l’embrasser montrant ainsi qu’il n’était pas dupe.
A la prison, chaque soir après dix heures, les tortionnaires arrivaient. Coups et hurlements. Les nervis « attendrissaient » la viande de leur semblable, trop hallal à leur goût.
Vous n’aimez pas beaucoup les islamistes, constatait alors un ministre français au cours d’un diner avec son homologue. Mais au contraire « je les aime saignants » s’esclaffait le tunisien en entamant son beefsteak. Triste époque !
Notre vieille maison à Hamilcar, œuvre d’un ancien colon italien orientaliste, avait un petit minaret. C’est sans doute pour effacer l’offense que Ben Ali l’aura fait raser ; à moins que ce ne soit pour que l’un de ses protégés puisse construire la demeure de ses ambitions.
Voici pourquoi les benalistes tunisiens anti-islamistes qui étaient d’authentiques fascistes ne seront jamais mes amis.
Leurs amis de France non plus.
Depuis 1993, et sans que rien n’ait jamais pu lui être reproché, Monsieur Karkar était assigné à résidence dans une chambre d’hôtel au fin fond de la France profonde. L’homme tenu en laisse devait se présenter deux fois par jour au commissariat.
Hier seulement, la mesure vient d’être levée. Il faut dire que Salah Karkar est co-fondateur du parti qui vient de gagner les élections en Tunisie. La France retiendra t- elle la leçon qu’il ne faut jamais chercher à appliquer sur son sol la loi d’un dictateur étranger ?
Ce n’est pas certain.
En attendant, j’invite le retourné d’exil à venir s’installer chez Monsieur Tahar Materi occupant l’ancienne Dar Belhassine où je l’y rejoindrai volontiers avec toute ma famille aux prochaines vacances.
Bien sur, je suis partial et satisfait. Mais quel démocrate le serait à moins.
Entre la peste et le choléra, entre la dictature et l’obscurantisme, je choisi la grippe.
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