Depuis
les années de Gaulle, le commerce de la France avec l'Arabie
Saoudite était une chasse gardée dont les socialistes se tenaient à
l'écart. François Mitterrand ménageait le premier fournisseur de
pétrole de la France, mais il ne copinait pas. Les ministres de
Jospin, par crainte de subir les foudres des militants, évitaient
soigneusement de se faire photographier aux côtés de leurs
homologues enturbannés. Tout au plus, laissaient-ils leurs épouses
fréquenter les princesses voilées.
Depuis,
le PS a mis de l'essence dans son vin. Son ancien Premier secrétaire
devenu Président de la République a réussi la synthèse entre la
famille de Jaurès et celle des Saoud.
Socialisme
et salafisme sont désormais commercialement compatibles.
L'Elysée
s'est trouvé de nouveaux amis qui bousculent les réseaux de
connivences établis ; alors en coulisse, la guerre des gangs
d'affaires a commencé. Le contentieux EDF/SOROOF et la rivalité
Thalès/ EADS sont étalés sur la place publique.
Car
contrairement aux Britanniques, Allemands, Japonais, Américains, la
maison France n'a pas pour habitude de serrer les rangs. Elle exporte
ses querelles internes jusqu'à l'insuccès.
L'Arabie
est un laboratoire in vitro dont les enjeux économiques et
stratégiques sont hors normes. Riyad est un client fidèle qui
absorbe le tiers de la production française des industries de
défense.
Le
centre nerveux du dispositif commercial franco-saoudien de l'armement
est une structure créée il y a quarante ans. La SOFRESA, véritable
centrale d'achat de l'armée saoudienne en France a été la très
discrète poule aux œufs d'or des industriels jusqu'à ce que
certains hommes politiques trempent leurs doigts dans le pot de
confiture. Pour limiter l'écho du scandale SAWARI 2, le Président
Sarkozy débaptisa l'entreprise et un conseiller facétieux de
l'Elysée lui trouva un nom audacieux : ODAS ! OD pour les
initiales de l'Amiral nommé PDG de la société et AS pour Arabie
Saoudite. La société qui compte une trentaine de cadres n'a pas
fait d'étincelles hors commerce courant dont le volume annuel
s'élève tout de même à des centaines de millions. ODAS a signé
l'an dernier en fanfare un marché d'un milliard et demi d'euros pour
« la remise à niveau des navires SAWARI ». En fait il
s'agit de travaux d'infrastructures portuaires pour la mise à sec et
le carénage des frégates sur la base navale de Jeddah. Coïncidence
ou prémonition malicieuse, quelques mois avant la conclusion du
marché, la filiale infrastructure d'ODAS, la SOFINFRA qui était
solidement implantée en Arabie depuis trente ans a été vendue à
une société coquille domiciliée à Saint-Martin des Caraïbes
laquelle s'est chargée de se saborder discrètement. Pour les
ingénieurs de l'armement, n'y a guère matière à lever un sourcil
d'étonnement car pour paraphraser Clemenceau: les affaires
militaires sont aux affaires ce que la musique militaire est à la
musique.
ODAS,
guichet unique des ventes d'armes françaises destinées à l'Arabie
a pour actionnaires l'Etat et les principaux fabricants de systèmes
de défense. Son Président, ancien Pacha de la Marine Nationale vient
d'atteindre l'âge de sa seconde retraite. Le poste prestigieux est
bien payé, alors les candidats se sont bousculés au portillon.
Plusieurs
hauts fonctionnaires et même un ancien ministre, se voyaient déjà
pantoufler en fumant la chicha. En temps habituel, le pompon serait
revenu au mieux pistonné, mais en raison des enjeux fabuleux, la
République s'est mise en chasse de la perle rare capable de
concrétiser la ventes de frégates, sous-marins, missiles,
satellites, hélicoptères, avions...Des dizaines de milliards
d'euros au doigt mouillé.
Le
casting était délicat. Il fallait trouver un candidat admissible à
la cour du roi Abdallah et des princes influents, (ce qui écartait
d'emblée quelques descendants d'Abraham), un homme (certainement pas
une femme) capable d'aligner en rang les industriels indisciplinés
qui se livrent à une concurrence franco-française suicidaire, un
homme capable de mettre au pas des polytechniciens arrogants, un
homme capable de gérer l'incroyable « shopping list » de
trois milliards payée par l'Arabie pour livrer des armes au Liban,
un homme capable de se prémunir des Britanniques et Américains qui
répandent des régimes entiers de peaux de bananes, un homme capable
de résister aux prédateurs malfaisants de toutes origines et aux
intermédiaires de haut vol par l'odeur alléchée de pourboires
fabuleux...Bref la perle rare dans un océan d'huitres stériles.
Sans
trop hésiter, le Président Hollande, - diplômé HEC et Lt-Colonel
de réserve -, a choisi un militaire pour prendre le commandement
de la guerre économique française en Arabie.
C'est
le Chef d'Etat Major des Armées qui se reconvertira en
Amiral-Président Directeur-Général.
Cet
homme vaut maintenant des milliards ! On lui souhaite la baraka.
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