Revenons
sur le voyage de fin d'année de François Hollande en Arabie
Saoudite.
Le
29 décembre à quinze heures, à la minute où il posait le pied sur
le tapis rouge du tarmac de l'aéroport Royal de Riyad un communiqué
de presse annonçait le dépôt d'une plainte contre EDF dans le
Royaume.
Ni
le Président de la République, ni celui de l'électricité qui
l'accompagnait n'ont réagi. Fidèles à leurs postures favorites,
ministres et patrons de la suite officielle ont
contemplé leurs chaussures en méditant sur les conséquences de ce
camouflet public inédit dans les annales diplomatiques du monde
arabe qui traditionnellement accueille les visiteurs étrangers d'un
souriant « marhaba », en taisant poliment les sujets qui
fâchent.
Soroof
International contre EDF International n'est pas un contentieux commercial banal
car il porte sur les perspectives du nucléaire civil dans le
royaume. Cent milliards de dollars au bas mot. Une paille !
L'entrepreneur saoudien accuse Proglio de déloyauté. C'est le pire
des forfaits dans un pays où il est encore d'usage de sceller des
transactions qui engagent des générations
par une simple poignée de main. Les arabes de la péninsule sont des
maquignons au tempérament corse. On ne divorce pas facilement quand
on a topé.
Accuser
la plus grande entreprise française de trahison pendant une visite
officielle n'est pas le geste anodin d'un traine patin. Le plaignant
est une Altesse Royale, un intouchable Prince, parent du souverain.
La
maladresse commerciale d'EDF qui a pourri la visite présidentielle
illustre l'art français de la girouette et la propension à se mêler
inopportunément des affaires des autres.
La
monarchie saoudienne s'appuie sur un consensus entre des tribus qui
se livrent en coulisse à des joutes savantes pour grignoter une
parcelle de pouvoir au détriment de leurs cousins. L'équilibre est
instable, il dépend du talent et de l'audace des chefs. A la cour
les règles de successions ne sont pas simples et le plus vieux roi
du monde est gâteux. Il règne mais ne gouverne pas. Son fils le
ministre de la garde nationale n'est pas assuré de monter sur le
trône, pas plus que le grand chambellant qui dirige le cabinet
royal, un roturier. En s'appuyant sur ces deux hommes, l'Elysée a
pris un pari d'avenir risqué, mais surtout, il s'est éloigné des
clans rivaux. Notamment celui des Sultan qui maîtrise toujours les
forces armées et les affaires stratégiques et avec lequel Paris a
topé à l'époque du Général de Gaulle lorsque Riyad entendait
remercier la solidarité française à la cause arabe.
La
mise de Hollande sur la Syrie sera-t-elle récompensée à la
même hauteur ? Ce n'est pas certain car en Arabie, cette guerre est
loin de faire l'unanimité.
Entre
les sept mille princes de la dynastie de Riyad et la bourgeoisie du
Levant les liens familiaux existent depuis plusieurs générations
car la plupart
des nobles ont pour seconde ou troisième épouse une syrienne. Cette
guerre entre les Assad et les Saoud est matricide ; il y a
désormais autant de sang syrien dans les veines bleus des saoud que
sur leur mains. En acceptant un bon d'achat de trois milliards
d'armement pour le Liban, Paris joue les intermédiaires.
Tous
ceux qui depuis Albert Londres ont voyagé dans la péninsule arabe
vous le diront: lorsqu'on perçoit des chikayas sous la tente
des bédouins, il est préférable de s'en éloigner. La France en
s'inférant risque de récolter des coups en guise de remerciements.
En bousculant les approches prudentes
de l'Arabie insondable, François Hollande innove. A t-il perçu les prémices d'un printemps
saoudien qui fera basculer le royaume des ténèbres dans celui des
lumières ? La Françarabie du Président nous réservera sans
doute d'autres surprises.
Post scriptum :
en marge de ce voyage présidentiel, Monsieur Ziad Takieddine a
profité des fêtes de fin d'année pour aller faire son shopping à
Beyrouth et à Londres. En haut lieu, on s'est soudain souvenu le 31
décembre, que l'alibi public des rétrocommissions
franco-saoudiennes n'avait pas le droit de voyager. Il a été
interpelé dans l'Eurostar et sommé manu militari d'aller
réveillonner en prison.
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