Voici
six mois que les insurgés d'Irak et de Syrie ont conquis un
territoire dont la surface, la population et les ressources
surpassent désormais la plupart des Etats arabes. Voici trois mois
que la communauté internationale coalisée dans une formidable armée
aérienne bombarde les positions terroristes. Sans résultat. Les
hordes sauvages du calife sont toujours à l'offensive pendant que
les armées régulières semblent incapables de les repousser, ni
même de les contenir.
Bien
qu'il soit difficile d'évaluer la réalité du terrain faute
d'observateurs de la presse libre et en raison de la formidable
propagande de guerre, le déséquilibre des forces qui s'affrontent
est sidérant.
D'un
coté une poignée de milliers de jihadistes équipés d'armes
légères montées sur des Toyota blanches, quelques blindés et des
missiles filoguidés, l'ensemble bénéficiant d'un soutien
logistique impressionnant servi par des filières invraisemblables de
contrebandiers.
De
l'autre, des armées de professionnels : près d'un demi million
d'hommes conseillés par la fine fleur des forces spéciales
occidentales, appuyés par des dizaines de satellites, drones,
hélicoptères, Tornado, F16, Rafale, missiles de croisière....
Pourtant, les barbus consolident leurs positions et menacent toujours
Baghdad. Devant eux, une partie de la population fuit ;
celle qui reste se soumet à l'ordre
nouveau purifié de toutes les tares de l'ancien régime. La
corruption, le clientélisme et l'injustice disparaissent, sans doute
momentanément. La charia impitoyable frappe distinctement. Avant de
se retirer des villes conquises, les combattants du calife restaurent
l'administration épurée et s'en retournent
à
leur croisade d'éradication de la mécréance.
Cette
guerre est vouée à l'échec car on ne se bat pas contre des idées
avec des bombes et des missiles.
Parmi
les discours des chefs d'Etats, le plus pertinent est
incontestablement celui de l'Emir de Dubaï.
Il
ne se contente pas de constater que « les conditions de misère
et d'injustice fertilisent l'intolérance, l'extrémisme religieux et
le terrorisme », il propose des solutions.
On
pourrait ironiser sur le toupet de ce multi milliardaire à prétendre
donner des leçons. Pourtant, Cheikh Mohamed Ben Rached El Maktoum,
vice premier ministre de la fédération des cinq petits Emirats
Arabes Unis, sait de quoi il parle. Il y a encore quarante ans, son
peuple était misérable. Aujourd'hui c'est l'un des plus prospères
du monde. Le bien vivre y est une
réalité partagée par l'intégralité des citoyens. Ils ne sont que
800 mille, ils font vivre 8 millions d'immigrés de toutes
nationalités dans des conditions sociales
très satisfaisantes par comparaison
avec tous les pays du Moyen Orient. Les cités de Dubai et d'Abu
Dhabi sont des eldorados vers lesquels affluent non seulement les
jeunes élites arabes, mais aussi celles d'Europe et d'Asie.
Economie
florissante, développement durable exemplaire, plate forme
internationale des arts et de la technologie modernes. En 2020, Dubaï organisera l'Exposition Universelle. La première
dans cette région du monde. 25 millions de visiteurs sont attendus.
La
réussite des EAU est impressionnante. Certes, le pétrole y est pour
quelque chose mais l'intelligence pour beaucoup, car en
comparaison avec le naufrage de pays généreusement dotés comme
l'Algérie, la Libye ou l'Irak, les Emirats Unis sont une singulière
exception dans le monde arabe. De surcroît,
et à l'inverse de leurs voisins salafistes du Qatar et d'Arabie
Saoudite, les émiriens sont tolérants, patriotes et perspicaces.
Autant
de raisons pour écouter l'un de leurs chefs nous donner des leçons.
Partant
du constat que « la flamme du fanatisme ne peut être éteinte
par le seul usage de la force » Cheikh Maktoum propose trois
remèdes : que les musulmans proclament leur répulsion pour
l'idéologie de haine propagée en leur nom, qu'ils éradiquent la
pauvreté dans les pays arabes et qu'enfin ils y promeuvent
le développement durable car « rien
n'est plus puissant que l'espoir d'une vie meilleure. » Vaste
programme aurait dit de Gaulle ! Pour autant, l'analyse et
les remèdes sont pertinents.
Le
Cheikh éclairé sait bien que l'islamisme radical est alimenté par
la doctrine sectaire de son puissant voisin salafiste, alors c'est
par un euphémisme de bienséance diplomatique qu'il cite en exemple
le programme de dé-radicalisation du Royaume d'Arabie Saoudite.
Il
s'agit d'un camp de redressement et de réhabilitation pour anciens
terroristes. L'établissement de grand confort est conçu comme un
centre de remise en forme avec balnéothérapie et cours
intensif de pacifisme par des avatars d'imams wahhabites formatés
« peace and love ». Le ministre de l'intérieur saoudien
est très fier de son gadget expérimental qu'il fait visiter à ses
collègues étrangers de passage. Sur les 3 000 pensionnaires de la
première promotion, seulement 300 récidivistes sont repartis au
jihad sitôt libérés. Devant ce succès, les Américains et les
Européens ne tarissent pas d'éloges hypocrites sur l'initiative des
pyromanes-pompiers. Des centres analogues mais bien moins
confortables existent également dans une quinzaine d'autres pays
notamment en Egypte, en Algérie et en Israël. Mais ce n'est qu'un
début. Le marché de la dé-radicalisation est en plein devenir. Un
récent rapport de l'ONU évalue à 150 mille la population jihadiste
accourus de 80 pays vers la Mésopotamie durant le dernier semestre.
Mais
revenons à la déclaration de Maktoum qu'il faut lire absolument car
elle est une lueur de raison dans l'obscurantisme ambiant de l'Orient
du moment.
En
voici les liens de la version anglaise et française :
http://gulftoday.ae/portal/b490d31a-4b8c-4695-86b0-35402856dd9a.aspx
http://www.lorientlejour.com/article/888529/vaincre-daech-sur-le-front-des-idees.html
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