Manal Al Sharif est une jeune femme saoudienne super diplômée qui travaille à l’Aramco, la compagnie arabo-américaine de pétrole.
Cette respectable veuve, est sortie de chez elle il y a quinze jours au volant de sa voiture. Et sa vie a basculé.
Arrêtée par la police elle est sermonnée avant d’être raccompagnée à son domicile. Quelques heures plus tard, elle est à nouveau interpellée et jetée en prison pour avoir gravement troublé l’ordre public.
Avant de la juger, les autorités exigent qu’elle fasse publiquement acte de contrition et de repentir sur facebook où elle compte des mille et des milliers d’amies. La délinquante s’obstine, aggravant son cas de jour en jour.
Les prédicateurs montent en épingle le fait divers. Leurs prêches enflamment les mosquées. Des gardes de la foi accusent Manal Al Sharif d’être une Matahari des chiites iraniens, d’autres prétendent qu’elle est au service des singes sionistes et des infidèles athées.
De toute évidence, Satan n’est pas loin.
La presse traite l’Affaire à la une. La population est divisée, il y a les proManal et les antiManal. Le roi hésite à se prononcer car la guerre civile menace la dynastie. Même les Américains et les Français, habituellement si empressés à voler au secours de la veuve opprimée, regardent leurs chaussures en se grattant l’oreille.
L’Arabie Saoudite, car c’est de ce pays qu’il s’agit est le premier exportateur de pétrole et le premier importateur d’armes. Ceci mérite considération. Que la Jeanne d’Arc saoudienne se débrouille. D’ailleurs, on a promis aux nobles bédouins de ne jamais se mêler de leurs affaires. On ne va pas commencer à propos d'une bédouine !
Ils ont tort, car ce fait divers pourrait faire battre les ailes du papillon dont on ignore les conséquences planétaires sur le prix du brut.
Manal Al Sharif ne vient pas moins de lancer une téméraire et extraordinaire croisade des femmes pour le permis de conduire.
Sur le net, la criminelle « présumée innocente » qui a filmé son arrestation appelle toutes ses consoeurs du pays de l’or noir, à suivre son exemple. Car en Arabie, les femmes n’ont pas le droit de tenir un volant. Aucune loi ne le dit, mais c’est comme ça. Manal s’est révoltée, elle a bravé la non-loi au nom de laquelle Ubu l’a mise en prison.
Son acte est révolutionnaire car il met en péril le socle (en arabe al quaïda) de l’idéologie intégriste musulmane.
La seule et unique fonction de la femme est la reproduction. Point. Elle est soumise. Elle est objet. Jamais elle ne conduit, toujours elle suit. Dans la rue, elle marche derrière, en voiture elle ne saurait être devant. Elle sait dire oui, elle sait se taire et retenir ses non. A-t-elle une âme ? Un cœur ? Une raison ? Là n’est pas le sujet. Elle est mère, fille, sœur, épouse de l’homme son maître et propriétaire. On ne lui dit pas madame, on ne la regarde pas, elle ne parle pas. Au visiteur qui frappe à la porte, elle claque dans ses mains pour demander « qui est là et signifier de passer son chemin car son homme n’y est pas ».
Elle n'a pas d’identité, pas de papiers, pas de photos dévoilées. Alors, un permis de conduire ! Vous n’y pensez pas ! Céder serait ouvrir la porte à toutes les extravagances ! Demain au prétexte de canicule elle refusera de porter des gants noirs dans la rue, puis, elle voudra montrer sa face, sa crinière, ses mamelles et son croupion…Quelle décadence ! Allah soit loué ne le permettra pas. Regardez la Tunisie qui sombre dans l’anarchie et la débauche à cause des créatures femelles qui sont parvenues à grignoter la moitié du pouvoir.
Oui mais Manal est une chourafa de la famille Al Sharif descendante du prophète ! Il est donc chariatiquement impossible que le diable ait envoûté la très Sainte lignée.
Mais alors, la révolte de Manal serait inspirée ?
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