On se souvient de
Tintin parti enquêter dans les sables d’Arabie pour trouver la source du
pétrole frelaté qui transformait les Torpédo en voitures piégées. L’épopée
rocambolesque se terminait bien. Grace aux Dupont, Haddock et Tournesol, le vilain
« terroriste », le Dr Müller était démasqué. Abdallah, jeune prince
capricieux était délivré et Aïcha la panthère ne mangeait pas le chien Milou.
Ecrite en 1939,
l’histoire « Au pays de l’or noir » est encore d’actualité.
Abdallah a grandi,
il s’est assagi, il est devenu le roi le plus riche et le plus âgé du monde. Chaque
semaine, on annonce son décès. Mais il prend son temps car il n’aura cent ans
que dans dix ans !
Il y a quelques
jours, il a sauté dans son Jumbo-Jet-hôpital pour aller estiver au Maroc où
depuis sa chaise longue il contemplera le bal macabre de ses prétendants.
Le roi n’est pas
encore mort, vive le roi !
Au-delà de l’album
de souvenirs, le destin d’Abdallah mérite un arrêt sur image car c’est
de son pays que dépend le plein de carburant de nos moteurs à explosion.
L’Arabie qui porte le nom de la tribu des
conquérants est la terre promise de tous les musulmans. Mais en dehors de La Mecque merveilleuse,
tous ceux qui la visitent, ne veulent plus y retourner car ce beau pays
très chaud est inhumainement en marge de l’humanité. Tout comme dans l’album de
Tintin, la femme y est absente. Aïcha, la seule femelle dévoilée est une
panthère enchaînée.
Pas plus tard que
la semaine dernière, la police religieuse a fait irruption dans le jardin d’une
villa cossue où une trentaine de personnes de nationalités et de sexes variés
se livraient à des bacchanales éhontées : musique, narghilé, whisky, et
p'tites pépées…Tous en prison ! Accusés de débauche et de sorcellerie, ils
risquent la mort par décapitation en place publique. Y avait-il des français à
ce bal des maudits ? Nul ne le sait. Le quai d’Orsay n’a rien vu, il était
en Syrie. La presse est muette. Rien ne filtre. Confidentiel-défense
oblige !
Premier
fournisseur de pétrole, le pays des fils de Saoud est également le premier
importateur mondial d’armement. Un arsenal inouï. Des milliards et des
milliards de ferrailles entreposées dans des endroits secrets. Les Américains et les Britanniques fournissent le gros des
commandes. La France livre bon an mal an un petit
milliard d’euros. Pour entretenir le matériel et le maintenir en condition
opérationnelle, les marchands d’armes ont
expatrié en Arabie des dizaines de milliers de « coopérants civils et
militaires » qui vivent dans des quartiers réservés aux murs d’enceintes
élevés pour se protéger des assauts de la police sectaire.
Mais outre le
bienfait de générer de juteuses commissions rétro-commissionnées aux obligés
des fabricants d’armes, à quoi servent finalement ces montagnes de
canons ?
Au-delà des
considérations géostratégiques savantes un rapide inventaire permet de conclure
que la fonction de l’arsenal wahhabite n’est pas de parer la menace de ses
voisins, mais de réguler l’équilibre politique à l’intérieur du Royaume.
Au pays des sept
mille princes, trois clans rivaux se partagent le pouvoir. Chacun d’entre eux
dispose d’une armée.
Le ministre de la défense et de l’aviation commande les trois
armes : terre-air-mer, plus la défense aérienne, l’aviation civile et la
météo. Soit 200 000 hommes en comptant les supplétifs pakistanais et les
assistants occidentaux.
Le ministre de la garde nationale est à la tête d’une force de
150 000 hommes surnommée l’armée blanche. Equipés de blindés légers,
d’hélicoptères et de missiles, les bédouins qui la composent sont disciplinés et bien
encadrés par des sociétés privées US. Cette
armée d’élite maille l’ensemble du territoire. Sa mission est de défendre le
roi à qui elle obéit exclusivement.
Le ministre de l’intérieur regroupe la police, les gardes frontières et
la très redoutée Commanderie contre le vice et pour la promotion de la vertu.
C’est elle qui fouette la socquette qui dépasse de l’abaya et qui traque les
regards amoureux. En tout, 150 000 hommes.
Depuis quarante
ans, le pouvoir respectif de chacune de ces armées se transmet de père en fils.
Mais comme les pères vivent vieux, les fils septuagénaires maintiennent
difficilement l’équilibre des forces.
En ce printemps
des palais arabes, les événements
semblent se précipiter. En avril, le Prince-Généralissime Khaled Ben Sultan,
vice-ministre de la défense a été limogé deux jours avant la venue du
secrétaire d’Etat américain. Puis, le chef des forces aériennes a été
brutalement écarté. Du jamais vu au Ministère de la défense où depuis la nuit
des temps le clan Sultan faisait la pluie (rarement) et le beau temps.
Jusqu’à présent, les trois armées du Royaume s’auto-dissuadaient. Le coup de
force était improbable sous peine de guerre civilo-militaire sanglante. Mais
les impatients des trois clans pourraient bien être tentés de
s’opposer sur un théâtre voisin car le Liban,
la Syrie, le Yémen, voir l’Irak, offrent des perspectives inespérées de
manœuvres externalisées.
Avant de partir en
vacances au
Maroc, le roi Abdallah a nommé l’un de ses fils le dynamique et pragmatique
Miteab ministre de la Garde Nationale qui se trouve ainsi bien placé pour
remporter la guerre de succession.
Il y a quelques
jours, son rival cousin le Prince-Ministre de l’intérieur Ben Nayef a été reçu
à l'Élysée.
Dans le jeu que jouent les Saoudiens entre
eux, la partie de Mistigri ne fait que commencer, il serait dangereux de s’en
mêler car n’est pas Tintin qui veut !
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