dimanche 2 juin 2013

Arabie Saoudite : partie de Mistigri au pays de l’or noir



On se souvient de Tintin parti enquêter dans les sables d’Arabie pour trouver la source du pétrole frelaté qui transformait les Torpédo en voitures piégées. L’épopée rocambolesque se terminait bien. Grace aux Dupont, Haddock et Tournesol, le vilain « terroriste », le Dr Müller était démasqué. Abdallah, jeune prince capricieux était délivré et Aïcha la panthère ne mangeait pas le chien Milou.
Ecrite en 1939, l’histoire « Au pays de l’or noir » est encore d’actualité.

Abdallah a grandi, il s’est assagi, il est devenu le roi le plus riche et le plus âgé du monde. Chaque semaine, on annonce son décès. Mais il prend son temps car il n’aura cent ans que dans dix ans !
Il y a quelques jours, il a sauté dans son Jumbo-Jet-hôpital pour aller estiver au Maroc où depuis sa chaise longue il contemplera le bal macabre de ses prétendants.

Le roi n’est pas encore mort, vive le roi !

Au-delà de l’album de souvenirs, le destin d’Abdallah mérite un arrêt sur image car c’est de son pays que dépend le plein de carburant de nos moteurs à explosion.

L’Arabie qui porte le nom de la tribu des conquérants est la terre promise de tous les musulmans. Mais en dehors de La Mecque merveilleuse, tous ceux qui la visitent, ne veulent plus y retourner car ce beau pays très chaud est inhumainement en marge de l’humanité. Tout comme dans l’album de Tintin, la femme y est absente. Aïcha, la seule femelle dévoilée est une panthère enchaînée.
Pas plus tard que la semaine dernière, la police religieuse a fait irruption dans le jardin d’une villa cossue où une trentaine de personnes de nationalités et de sexes variés se livraient à des bacchanales éhontées : musique, narghilé, whisky, et p'tites pépées…Tous en prison ! Accusés de débauche et de sorcellerie, ils risquent la mort par décapitation en place publique. Y avait-il des français à ce bal des maudits ? Nul ne le sait. Le quai d’Orsay n’a rien vu, il était en Syrie. La presse est muette. Rien ne filtre. Confidentiel-défense oblige !

Premier fournisseur de pétrole, le pays des fils de Saoud est également le premier importateur mondial d’armement. Un arsenal inouï. Des milliards et des milliards de ferrailles entreposées dans des endroits secrets. Les Américains et les Britanniques fournissent le gros des commandes. La France livre bon an mal an un petit milliard d’euros. Pour entretenir le matériel et le maintenir en condition opérationnelle, les marchands d’armes ont expatrié en Arabie des dizaines de milliers de « coopérants civils et militaires » qui vivent dans des quartiers réservés aux murs d’enceintes élevés pour se protéger des assauts de la police sectaire.

Mais outre le bienfait de générer de juteuses commissions rétro-commissionnées aux obligés des fabricants d’armes, à quoi servent finalement ces montagnes de canons ?
Au-delà des considérations géostratégiques savantes un rapide inventaire permet de conclure que la fonction de l’arsenal wahhabite n’est pas de parer la menace de ses voisins, mais de réguler l’équilibre politique à l’intérieur du Royaume.

Au pays des sept mille princes, trois clans rivaux se partagent le pouvoir. Chacun d’entre eux dispose d’une armée.

Le ministre de la défense et de l’aviation commande les trois armes : terre-air-mer, plus la défense aérienne, l’aviation civile et la météo. Soit 200 000 hommes en comptant les supplétifs pakistanais et les assistants occidentaux.

Le ministre de la garde nationale est à la tête d’une force de 150 000 hommes surnommée l’armée blanche. Equipés de blindés légers, d’hélicoptères et de missiles, les bédouins qui la composent sont disciplinés et bien encadrés par des sociétés privées US. Cette armée d’élite maille l’ensemble du territoire. Sa mission est de défendre le roi à qui elle obéit exclusivement.

Le ministre de l’intérieur regroupe la police, les gardes frontières et la très redoutée Commanderie contre le vice et pour la promotion de la vertu. C’est elle qui fouette la socquette qui dépasse de l’abaya et qui traque les regards amoureux. En tout, 150 000 hommes.

Depuis quarante ans, le pouvoir respectif de chacune de ces armées se transmet de père en fils. Mais comme les pères vivent vieux, les fils septuagénaires maintiennent difficilement l’équilibre des forces.

En ce printemps des palais arabes, les événements semblent se précipiter. En avril, le Prince-Généralissime Khaled Ben Sultan, vice-ministre de la défense a été limogé deux jours avant la venue du secrétaire d’Etat américain. Puis, le chef des forces aériennes a été brutalement écarté. Du jamais vu au Ministère de la défense où depuis la nuit des temps le clan Sultan faisait la pluie (rarement) et le beau temps.

Jusqu’à présent, les trois armées du Royaume s’auto-dissuadaient. Le coup de force était improbable sous peine de guerre civilo-militaire sanglante. Mais les impatients des  trois clans pourraient bien être tentés de s’opposer sur un théâtre voisin car le Liban, la Syrie, le Yémen, voir l’Irak, offrent des perspectives inespérées de manœuvres externalisées.

Avant de partir en vacances au Maroc, le roi Abdallah a nommé l’un de ses fils le dynamique et pragmatique Miteab ministre de la Garde Nationale qui se trouve ainsi bien placé pour remporter la guerre de succession.

Il y a quelques jours, son rival cousin le Prince-Ministre de l’intérieur Ben Nayef a été reçu à l'Élysée.

Dans le jeu que jouent les Saoudiens entre eux, la partie de Mistigri ne fait que commencer, il serait dangereux de s’en mêler car n’est pas Tintin qui veut !

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