Déjeuné avec un ami fortuné qui fréquente les fiduciaires suisses. D’emblée il me confie avec un sourire résigné que Madoff l’a escroqué grave. Bof ! Je m’en remettrai mais le plus regrettable dans la crise dit-il c’est que les gens ont pris peur de la vie, ils oublient de regarder les étoiles, d’aimer leur femme et leurs gosses….. On sirote l’apéritif en contemplant l’éclat du soleil sur les bulles roses de la flute.
La séquence poétique est interrompue. Nous sommes rejoints par le jeune PDG d’une entreprise familiale qui prospère en Afrique. Impossible d’échapper au sujet qui l’angoisse « que faire de mes liquidités ? » Tous les scénarios catastrophes sont passés en revue : les banques ne sont plus sûres, l’immobilier dégringole…je suggère l’achat de Rolex en or ! Il ne rit pas, le métal précieux est un sujet sérieux : « où le stoker en sécurité, à la banque, chez moi ?" C’est risqué ! » Je tente à nouveau une diversion « il faut le planquer in vitro, se faire faire monter des ratiches en or comme les Ouzbeks » y’a que mon copain qui rit de toutes ses dents.
On tourne en rond, je m’ennui un peu mais la bouffe est correcte. La laborieuse conclusion est qu’il faut investir et créer de l’activité. L’argent ne sera pas mieux à l’abri qu’au service de l’emploi. Les compétences courent les rues, les diplômés font la manche, jamais le coût du travail n’a été aussi bas. Mettre son argent en sécurité dans une entreprise d’accord, mais qui ne dégage pas de trop de bénéfices car sinon on se mord la queue hein !
Garçon l’addition pour Monsieur svp !
Le lendemain dans un établissement moins chicos, je partage une méchante pizza avec un ami balkanien (originaire des Balkans quoi ! on dit bien maghrébin). J’ouvre une autre parenthèse pour signaler qu’un témoin au procès d’Yvan Colonna a rapporté à la cour avoir vu « des individus de type maghrébins » ; ce qui de facto et de toute évidence me met hors de cause ainsi que tous les corses ! Je reviens à ma quatre fromages et à mon pote balkanien. La conversation roule sur l’union européenne,l’Otan, la zone euro, j’apprends que le Monténégro a adopté en lousdé l’euro comme monnaie officielle. Personne n’a protesté, ni à Paris, ni à Bruxelles, ni à Maëstricht. On évoque les bruits de guerre au moyen orient. Les gesticulations diplomatiques en réponse à l’activisme de l’Iran qui vient de déployer une force en Erythrée , le verrou de la mer rouge…De la vulnérabilité des super tankers…
Au café je demande comment l’ex-Yougoslavie vie la crise. Mon ami balkanien rigole, Sarajevo est presque reconstruite, l’avenir ne pourra jamais être pire que ce que nous avons connu me dit-il !
Garçon l’addition, c’est pour moi !
Encore un repas, il faut dire que je mange tous les midis. Donc, hier me voilà chez Mustapha, le meilleur gargotier de Paris. Pas question de livrer sur la toile l’adresse des quinze couverts de ce grand Chef qui s’ignore. Quand tu sors de chez Mustapha t’as mal aux doigts tellement tu les as léché ! Parole ! Pas de carte, un plat du jour, un thé à la menthe point. Si tu veux un soda, tu vas te servir dans le frigo vitré. Alcool walou ! Pour le café et le narghilé, c’est sur le trottoir d’en face ! C’est là que j’entraine mon copain moldave pour parler. Parce que chez Mustapha t’as pas envie de causer de peur qu’un jaloux te pique ton plat à 5,50€.
Vladimir est immigré clandestin de Moldavie (Bangladesh de l’Europe de l’est) depuis dix ans. Il est mécano avion de formation mais il fait des chantiers. Sa femme est urbaniste, elle fait des ménages. Ils payent régulièrement le loyer et le stationnement de la camionnette, ils parlent un français parfait qu’on les prendrait pour d’authentiques parigots têtes de veau. Vladimir n’a pas le moral, il est désabusé, fatigué d’être un sans papiers. Il en a marre d’être ignoré, marre d’être assisté, il veut payer des impôts, cotiser à la sécu. Il n’en peut plus de constituer des dossiers pour des avocats douteux et des fonctionnaires désinvoltes qui parfois, sous le charme de son accent des faubourgs et de ses yeux clairs lui promettent la carte de séjour par retour du courrier. A tant avoir redouté l’expulsion, il en vient à l’espérer.
Ses deux portables n’arrêtent pas de sonner, il a trois chantiers en cours dans les beaux quartiers. Son carnet de commande est plein. J’évoque l’avenir, la crise. Il se méprend et propose de me dépanner !
Garçon l’addition ? Comment ça c’est payé ?
1 commentaire:
Bon maintenant assez rigolé : je veux l'adresse de Mustapha et que tu viennes à la campagne avec ton ami du Bengladesh de l'Europe, pour parler du pays que je connais.
Tu aurais pu parler de France-Algérie au jeune PDG car c'est un bon investissement pour l'avenir...
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