Pas eu le cœur de pousser jusqu’au salon de l’agriculture porte de Versailles.
Je suis allé dans le Perche (c’est en France) à 2 heures de Paris. Région délaissée par les aménageurs de territoire et donc méconnue des touristes. Pas d’autoroutes, pas de SNCF à moins de 60km, autant dire un trou oublié de Basse Normandie. Aussitôt arrivé, je parcours le journal local « Le Perche » qui n’est pas distribué au-delà de Nogent le Rotrou, Mortagne et Mamers . Vous situez le journal et la région ? Alors une recherche Google s’impose…
J’apprends que François Fillon le discret Premier-Ministre de la France est venu à La Ferté Bernard (rebaptisée pour la circonstance Fierté Bernard). Pensez ! La petite cité n’avait pas reçu de premier ministre depuis Joseph Caillaux il y a cent ans. « Que faut-il retenir de cette visite ? » S’interroge le reporter qui couvre l’événement : « En gros qu’il va falloir se retrousser les manches. » Ce scoop ne valait pas le déplacement ! Le but du voyage était parait-il tout autre. Le conseiller « audimat » de Matignon avait concocté un plan média d’enfer : une rencontre avec André Verchuren, 89 ans aux prunes, légende tricolore du piano à bretelles et vedette d’un soir au bal de Saint-Denis-des-Sarthons. Las, le pauvre Fillon nous apporte une nouvelle fois la preuve de son inconsistance politique puisqu’au dernier moment il s’est défilé au motif d’une réunion urgente sur la pwofitation à l’Elysée.
Mon voisin possède un troupeau de 50 vaches. Il y a un truc qui me chiffonne ; je n’ai jamais vu de camion citerne s’arrêter. Comment écoule-t-il sa production ? Par pipe line ? Je me décide enfin à l’interroger. Ah le parisien, y sait pas ! « On est moderne faut pas croire, on travaille en direct avec Bruxelles ! Y’a en permanence un satellite géostationnaire au dessus de la Normandie. Tous les élevages sont repérés par infrarouge car les mamelles des vaches émettent une chaleur particulière. L’ordinateur de Milksat calcule ma production journalière de lait pile-poil. Il ne se trompe jamais ! Enfin sauf l’année dernière il a compté Jeannine qui allaitait les jumeaux. Tous les mois l’Europe me vire la paye des vaches sur mon compte, aussi sec ! » - Oui mais le lait ? Il en fait quoi ? (dans la France oubliée le tu et le vous n’existent pas on s’adresse toujours à la troisième personne du singulier) « On l’donne aux veaux pardi, pour faire de la vache ! »
Sur le marché qui était encore animé il ya seulement cinq ans, il ne reste plus que deux maraichers et une marchande de lapins. Salut l’parisien ! Je vais serrer la main de Maurice. J’ai appris il y a peu qu’il s’appelait en vérité Philippe et qu’il n’était pas de la région. Sa famille a immigré de Vichy après la guerre. Son père était pétainiste d’où le prénom de Philippe. Le rejetons a maltourné, à 16 ans il est entré simultanément à l’usine Moulinex et au parti communiste se faisant alors appeler Maurice (rapport à la visite de Thorez en 62 avant celle de Fillon). Bref Philippe-Maurice a arrêté de fumer juste avant de finir au chômage à 50 piges comme tout le monde. Depuis, il cultive les meilleures patates de la région. On cause : « c’est descendu à moins 15 pendant que l’parigo était au chaud ! » Je détourne la conversation sur les perspectives du résultat brut de son exploitation. Il rétorque fou de rage : « il a été à Intermarché ? 39 centimes le kilo, je ne pas lutter contre la pomme de terre importé de Pologne ! » J’essaye de le consoler : - Oui mais la polonaise c’est de la patate pour distiller de la vodka rien à voir avec tes Belles de Fontenay ou tes Bintje bio d’appellations incontrôlées! - « La polonaise, variété Agata, c’est ce qu’on donnait aux cochons dans l’temps ! Aujourd’hui elle est rachetée par Bruxelles au prix fort pour que les pollacks ne la transforment pas en Vodka. Une subvention pour lutter contre l’alcoolisme quoi ! » Une question Maurice ! On ne pourrait pas nourrir les vaches avec des patates Agata ? « Ca se pourrait bien, mais pour quoi faire, il a une idée l’parisien? » Ben traire du Kalva aux frais de l’Europe pardi !
J’arrête de boire du lait et je rentre à Paris !
1 commentaire:
He, le parigot, la prochaine fois que tu vois des patates à 39 cts le kilo, n'oublie pas de faire une photo et de la mettre sur la "toile", ça fera plus vrais. C'est SARKO qui t'a raconté cette histoire...
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